Le projet de loi sur la fin de vie arrive à l’Assemblée, voici les points de crispation
FIN DE VIE – Le projet de loi sur la fin de vie arrive enfin au centre de l’hémicycle. Adopté mi-mai en commission spéciale, il va être examiné par les députés à l’Assemblée nationale à partir de ce lundi 27 mai. Le processus législatif promet d’être long et ne s’achèvera pas avant l’été 2025.
Le texte vise à ouvrir pour la première fois en France une aide à mourir pour certains patients, dans des conditions très encadrées, et suscite déjà de vifs débats jusqu’au sein même de la majorité. Elle autorise le recours à une substance létale pour une personne qui en fait la demande, sous réserve de conditions. Cette substance peut être administrée par le patient, un médecin, un infirmier, ou une personne volontaire désignée par le patient.
Le projet de loi prévoit de réserver le recours à l’aide à mourir aux personnes majeures, atteintes d’une affection « en phase avancée ou terminale », présentant une souffrance physique ou psychologique « insupportable ». Le patient doit pouvoir manifester sa volonté « libre et éclairée ».
Les débats s’annoncent d’autant plus animés que les sujets de crispation ont grandi avec le passage du texte en commission.
Une affection « en phase avancée ou terminale »
Le critère selon lequel les malades doivent avoir leur « pronostic vital engagé à court ou moyen terme » pour accéder à l’aide à mourir a été remplacé, avec le soutien du rapporteur général Olivier Falorni (Modem) par la notion d’affection « grave et incurable, en phase avancée ou terminale ».
La présidente de la Commission, Agnès Firmin-Le Bodo (membre du camp présidentiel), avait voté contre cette modification rejetée aussi par le gouvernement. « Supprimer le court et moyen terme, très clairement, on n’est plus du tout dans la même loi. On est dans une loi qui peut permettre à des personnes dont le pronostic vital serait engagé à long terme, qui peuvent avoir des souffrances physiques réfractaires, de demander à mourir. Ce n’est pas l’équilibre de la loi qui a été souhaitée et qui a été présentée », a-t-elle alerté.
Des organisations de soignants ont dénoncé une ouverture de « la boîte de pandore » en commission. « Cette extension ouvre la mort provoquée à un nombre indéfinissable de situations dont on a encore peine à mesurer l’ampleur et la diversité (insuffisance rénale, cancers, cirrhoses, insuffisances cardiaques ou respiratoires) », soulignent-elles dans leur communiqué.
L’aide d’une personne tierce
Qui pourra administrer au patient la substance létale s’il n’est pas en « mesure physiquement » de le faire lui-même ? Le texte prévoit en l’état qu’il pourra s’agir d’un médecin, d’un infirmier ou d’une « personne volontaire » désignée par le malade.
Les députés ont restreint en commission le périmètre des personnes tierces. Elles devront être majeures et ne percevoir « aucune rémunération ou gratification » en contrepartie. De nombreux députés se sont opposés – sans succès – au recours à un proche, mettant en avant de potentielles pressions et conséquences psychologiques.
En commission, de longs débats ont porté sur le rôle des « médecins et infirmiers », autorisés à administrer la substance sous réserve d’une clause de conscience. « Le médecin doit demeurer celui qui soigne », s’est indigné le député LR Patrick Hetzel.
Les organisations de soignants ont souligné plusieurs points d’alerte : « La formation et l’accompagnement des soignants et des proches pratiquant l’acte létal ne sont pas prévus, l’administration de la substance mortelle pourra se pratiquer n’importe où, sans encadrement, ce qu’aucun pays n’a permis », listent-elles entre autres.
La collégialité de la décision
Autre point âprement débattu en commission, celui de la collégialité de la décision. Dans le texte gouvernemental, la décision finale d’autoriser ou non le recours à une « aide à mourir » est entre les mains d’un seul médecin. Une responsabilité jugée trop lourde par certains, et que des députés demandaient de rendre plus collégiale.
D’autres craignent qu’une décision devant être prise à plusieurs alourdisse inutilement le dispositif. Et font valoir que le médecin décisionnaire est déjà tenu au préalable d’échanger avec un autre médecin et avec un aide-soignant ou un infirmier qui suit le malade.
Un amendement proposé par la rapporteure Laurence Cristol (Renaissance) a précisé que le médecin qui prendra la décision d’autoriser l’aide à mourir le fera « dans le cadre d’une procédure collégiale pluri-professionnelle ». La droite a dénoncé un « leurre », une « collégialité Canada Dry ».
Un « droit opposable » à des soins palliatifs
Le texte gouvernemental comporte également un volet sur les soins palliatifs. Les députés ont réussi à faire adopter contre l’avis du gouvernement un amendement en faveur d’un « droit opposable » à bénéficier de ces soins, alors qu’une personne sur deux n’y a pas accès aujourd’hui.
Ce « délit d’entrave à l’aide à mourir » risque, selon les organisations de soignants, de « pénaliser toute remise en cause de ce dispositif et faire peser des menaces considérables sur la prise en soin des malades en fin de vie ou sur les politiques de prévention du suicide ».
Les parlementaires ont également modifié les dispositions concernant les soins palliatifs, permettant aux patients de laisser des directives anticipées sur leurs choix en cas de perte de conscience irréversible. Les directives seront systématiquement conservées dans le dossier médical partagé.
« Cela implique qu’un choix fait des années avant d’être malade et jamais révisé s’appliquera irrémédiablement. Aucune vérification des conditions dans lesquelles ces documents ont été rédigés ou qui les aura véritablement rédigées n’est en outre prévue », ont dénoncé les soignants.
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