Ce député ne supporte plus de débattre de la loi « brutale » sur la fin de vie et s’en va
POLITIQUE – « Nous sommes dans la pente et, en ce qui me concerne, j’arrête la glisse. » Pierre Dharréville, député GDR, a quitté vendredi 7 juin les débats qui se tenaient dans l’hémicycle sur le projet de loi sur la fin de vie. Une décision que l’élu, opposé à la légalisation d’une aide à mourir, a justifié devant ses collègues, s’attirant les marques de soutien des opposants et des partisans du texte.
Après s’être mis d’accord sur une définition de l’aide à mourir, les députés examinaient en séance les conditions d’accès. Un débat « éprouvant » pour Pierre Dharréville, qui a préféré tirer sa révérence. « Il y a quelque chose d’assez irréductible qui m’oppose à la vision du genre humain que traduit ce texte. C’est pour moi une loi brutale, une loi sans rivage et un terrible message de renoncement et d’abandon qui ne sera pas sans conséquence sur la vie sociale, la solidarité et le soin », a déclaré le député des Bouches-du-Rhône.
Avant l’arrivée du texte dans l’hémicycle, Pierre Dharréville avait déjà dit son opposition au projet de loi. « Je peine à me reconnaître dans cette société-là, dans cette République-là, dans cette humanité-là. De toute évidence, mourir n’est pas un soin. Et mourir peut-il vraiment entrer dans la catégorie des droits de la personne humaine ? », écrivait-il dans une tribune publiée fin mai dans La Vie.
Se disant « profondément affecté par les décisions qui ont été prises » et « saisi de vertige », Pierre Dharréville a donc choisi de ne plus participer aux débats dans lesquels il estime ne plus pouvoir rien apporter. « Nous sommes à chaque pas dans des impasses, je ne sais plus aider à “faire moins pire”, je vais reprendre des forces. (…) Je veux simplement dire à celles et ceux qui doutent souvent en silence que cette loi, compte tenu de la gravité, ne pourrait, ne peut être adoptée avec le moindre doute », a-t-il conclu.
« Partager la même peine »
Le débat sur la fin de vie est aussi intime que clivant. Examiné à l’Assemblée depuis le 27 mai, il a donné lieu à au moins un échange tendu, après une comparaison douteuse d’une députée Rassemblement national. Mais la déclaration de Pierre Dharréville et sa participation aux discussions ont été saluées par des élus de divers partis, preuve que les débats transcendent les familles politiques sur ce texte.
Le député socialiste Jérôme Guedj, favorable à une législation sur la fin de vie, a ainsi salué « la qualité de ses interventions, la manière dont il a alimenté nos doutes » même si « nous n’avions pas toujours des points d’accord. » « On a besoin des expressions des doutes, des inquiétudes, des interrogations des uns et des autres et quels que soient des bancs d’où elles viennent, elles sont précieuses pour qu’on puisse produire la meilleure loi possible », a-t-il déclaré en saluant son collègue communiste.
Dans les rangs de la majorité, la députée Renaissance Astrid Panosyan-Bouvet qui a dit « partager la même peine : le sentiment d’impuissance face à une lame de fond qui nous fait basculer avec compassion et la meilleure des intentions dans quelque chose que nul ne maîtrise vraiment ». La députée de Paris fait partie des élus de la majorité réticents à l’aide à mourir et a annoncé ne pas pouvoir le voter après les modifications apportées par la commission.
Retour du critère du « pronostic vital engagé »
Avec 51 voix pour et 24 contre, l’Assemblée nationale a adopté l’article 6 du projet de loi qui fixe les conditions d’accès à l’aide à mourir. En l’état actuel, le texte examiné en première lecture ouvre cette aide aux personnes âgées de plus de 18 ans, françaises ou résidant en France. Elles devront souffrir d’une « affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale », cette dernière provoquant une souffrance physique ou psychologique réfractaire ou insupportable. Elles devront également être aptes à manifester leur volonté de façon libre et éclairée, les députés écartant la possibilité d’inscrire le recours à l’aide à mourir dans les directives anticipées.
« Le gouvernement se félicite de la réintroduction (après sa suppression en commission) de la notion de ’pronostic vital engagé’ par l’Assemblée nationale », a salué l’entourage de la ministre de la Santé, Catherine Vautrin. Une marque d’apaisement, après les désaccords avec les rapporteurs qui avaient agité la commission.
Les députés ont, en revanche, écarté l’idée que ce pronostic vital soit engagé « à court ou moyen terme », comme le prévoyait la version initiale du texte du gouvernement. Nombre de députés ont déploré l’absence de définition du « moyen terme ». Catherine Vautrin a indiqué avoir saisi la Haute autorité de santé pour définir la notion de « moyen terme ». Une première « note de cadrage » sera établie en juin 2024, mais la version finale devra attendre 2025. Le vote solennel du projet de loi est prévu le 18 juin à l’Assemblée nationale.
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