Politique

Des européennes aux législatives, la semaine qui a mis la vie politique sens dessus dessous

POLITIQUE – Une journée électorale comme une autre. C’est en tout cas de cette façon que les partis politiques et commentateurs abordaient ces élections européennes ce dimanche 9 juin, entre poses dans les bureaux de vote et chiffres sur la participation. La météo est clémente. Rien d’anormal. Peu avant 19 heures, les premières estimations confidentielles commencent à circuler. Ifop, Harris, Ipsos… Aucun institut de sondages ne place la candidate macroniste, Valérie Hayer, au-dessus des 16 %.

En revanche, tous placent le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, au-delà des 30 %. Stupeur dans le camp présidentiel. L’extrême droite qu’Emmanuel Macron avait promis de faire reculer, n’a jamais été aussi haute. Elle atteint quasiment 40 % en comptant les voix de Reconquête. Très vite, une prise de parole du chef de l’État à la télévision est annoncée. À 20 heures, les résultats tombent.

Ils sont catastrophiques pour la Macronie qui se rend compte qui ni l’implication de Gabriel Attal, ni celle du chef de l’État en personne n’ont permis de sauver la liste « Besoin d’Europe ». Le RN savoure, le PS croit renaître, les écologistes et LFI sauvent les meubles et chaque parti politique livre son interprétation des résultats, que ce soit depuis leurs QG, ou sur les plateaux de télévision. Entre 20 heures et 21 heures, personne ne sait ce qui se trame à l’Élysée.

Une dissolution qui écrase tout

À 20 h 50, l’entourage du chef de l’État créé une boucle WhatsApp pour les journalistes politiques couvrant la soirée électorale. Son intitulé ? « Débrief 09/06 ». Un maigre indice qui tout de même interroge : et si Emmanuel Macron annonçait une mesure énorme ? Un accord de gouvernement avec LR ? Ou, soyons fous, une dissolution ? C’est bien cette dernière option — éminemment risquée sur le plan politique — qui a été échafaudée en toute discrétion à l’Élysée, comme en témoigne la mine affligée de Gabriel Attal immortalisée par la photographe officielle du chef de l’État.

Dans les QG des différents partis politiques, l’ambiance change. Il n’est déjà plus question des européennes et de ses répercussions sur le Parlement européen. Tout ceci est balayé par la convocation d’élections législatives anticipées, dans un délai très court : trois semaines, le plus serré prévu par la Constitution. Une forme de sidération traverse la classe politique. Y compris dans la majorité. Le RN, qui avait demandé la dissolution dans la foulée des résultats, se dit « prêt » à gouverner et imagine déjà Jordan Bardella à Matignon.

Le sprint démarre

À gauche, le député LFI François Ruffin accepte de jouer le sprint. Peu après 22 heures, l’élu de la Somme publie sur X ce qui sera le nom de la nouvelle coalition de gauche, et appelle Olivier Faure, Fabien Roussel, Marine Tondelier et Manuel Bompard à s’unir « pour éviter le pire ». Il prend tout le monde tout court, mais toutes les parties acceptent de se voir alors que le hashtag #FrontPopulaire envahit la sphère militante de gauche sur les réseaux sociaux.

Emmanuel Macron avait présenté sa dissolution comme un acte de « clarification ». C’est une accélération folle du temps politique qu’elle a produite. Le lendemain, lundi 10 juin, Marion Maréchal, qui appelle à l’union des droites, est reçue au siège du Rassemblement national. Les bases d’un accord entre les deux formations d’extrême droite sont jetées, malgré la multiplication d’invectives entre les deux camps durant la campagne. Dans le 10e arrondissement de Paris, au siège des écologistes, tout va aussi très vite. En début de soirée, un accord de principe est annoncé. Fait marquant : Place publique est de l’aventure.

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Séisme à droite

Une participation qui intervient alors Raphaël Glucksmann a littéralement été pilonné (et pas de la plus élégante des manières) par les insoumis durant la campagne. Un premier sondage tombe. Il donne le RN trois fois plus haut qu’aux législatives de 2022. La Macronie est inaudible et la gauche est pressée par des intellectuels et les syndicats de s’unir face au péril frontiste.

Mais c’est à droite que se prépare en coulisse un séisme politique. Sans avoir mis Gérard Larcher, Laurent Wauquiez, François-Xavier Bellamy ou Bruno Retailleau dans la confidence, le président des Républicains, Éric Ciotti, annonce au 13 Heures de TFI une alliance avec le RN. En plus de briser le tabou ultime du parti gaulliste, cette entente avec l’extrême droite met le feu à son parti. Les ténors dénoncent unanimement l’accord.

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Le lendemain, Éric Ciotti, qui rejoint le RN quasiment seul, continue de se revendiquer président des Républicains, alors qu’un bureau politique convoqué à la hâte acte son exclusion. Devant le siège du parti, les images loufoques se multiplient. Elles font le bonheur des réseaux sociaux et offrent aux électeurs l’image d’un responsable prêt à brûler sa maison politique pour sauver sa circonscription.

Coup d’épée dans l’eau

Ce même jour, à la mi-journée, Emmanuel Macron donne une conférence de presse. Comme à son habitude, il arrive en retard. Et comme c’est le cas depuis des mois, difficile d’en tirer des idées nouvelles ou capables de relancer la machine électorale macroniste. Un coup d’épée dans l’eau qui intervient alors que plusieurs personnalités du camp présidentiel, à l’image d’Édouard Philippe, doutent à haute voix de la pertinence d’une implication du chef de l’État pour ces législatives.

Toujours ce mercredi, le sol tremble encore à l’extrême droite. Marion Maréchal, qui avait annoncé la veille qu’un accord avec le RN était finalement impossible à cause d’Éric Zemmour, fait sécession. Elle appelle à voter pour des candidats RN ou LR, en désaccord avec la position du polémiste. Le soir même, l’ex-candidat à la présidentielle l’étrille sur le plateau de BFMTV, et annonce son exclusion pour ce « record du monde de la trahison ». Reconquête, qui venait pourtant de faire élire aux européennes des candidats pour la première fois de son histoire trois jours avant, se désintègre en direct.

Le Front populaire est né

Jeudi, le cirque reprend devant le siège des Républicains, où Éric Ciotti s’enferme dans son bureau offrant, encore, aux internautes créatifs de quoi s’amuser. À gauche, la situation se tend, et l’hypothèse d’une implosion de l’alliance en gestation circule. Il n’en sera rien. L’annonce est scellée en début de soirée, toutes les parties sont tombées d’accord. Sur TF1, François Hollande, adversaire féroce de la NUPES en 2022, plaide pour cet accord mêlant toutes les forces de gauche, achevant les espoirs de la Macronie de voir ce camp se diviser.

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Le lendemain, ce vendredi, le programme est officialisé à la Maison de la Chimie à Paris. Les lignes rouges fixées par Raphaël Glucksmann, sur l’Ukraine et le Proche-Orient, sont respectées. Il s’en félicite sur France inter. Patatras quelques heures plus tard ? La non-investiture de plusieurs cadres du mouvement insoumis, Alexis Corbière, Raquel Garrido, qui paient ici leurs critiques de Jean-Luc Mélenchon, provoque les premières tensions au sein de l’alliance.

Mais ce n’est rien par rapport à la droite. Le récit politique s’y écrit devant le tribunal, où Éric Ciotti a contesté son éviction des Républicains, qui a été confirmée par un second bureau politique. La justice tranchera dans quelques jours. Les débats tournent au tragicomique et montrent comment, en une décision, Emmanuel Macron a déboussolé son camp, uni la gauche et fait exploser la droite républicaine au profit d’un RN qui n’a jamais semblé aussi proche du pouvoir. Un coup de pied dans la fourmilière qui laissera immanquablement des traces. Courage, la campagne ne fait que commencer.

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