Politique

Gaz russe, droit de regard… Ce que recommande la commission d’enquête du Sénat sur Total

ENVIRONNEMENT – Un petit pas pour les sénateurs, mais un trop petit pas pour le climat. L’élu écologiste Yannick Jadot a dévoilé, ce mercredi 19 juin, 33 recommandations visant à garantir le respect par le groupe pétrolier TotalEnergies des engagements climatiques de la France. Un rapport accouché après plusieurs mois de travaux d’une commission d’enquête de la chambre haute, initiée les écologistes.

Dans son rapport, fruit d’un compromis entre sénateurs de droite et des écologistes, la commission d’enquête sur les obligations de TotalEnergies recommande notamment l’entrée de l’État dans le capital du groupe, et la fin « dès que possible » des importations de GNL (gaz naturel liquéfié) russe. Des avancées saluées par les associations de protection de l’environnement, qui regrettent toutefois le « manque d’ambition » des sénateurs.

• « Droit de regard » de l’État sur les activités de Total

La première recommandation préconise « la détention par l’État d’une action spécifique au capital de TotalEnergies ». L’objectif : que l’exécutif s’assure un « droit de regard », voire « une plus grande influence », sur les décisions de TotalEnergies en matière de stratégie « climatique » et d’actionnariat.

La commission d’enquête justifie cette proposition au vu de « l’évolution des menaces qui pèsent sur la souveraineté énergétique de la France et de l’Europe » ainsi que de « de l’évolution de la structure de l’actionnariat de TotalEnergies », très tourné vers les États-Unis. Le patron de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, avait en effet envisagé de déplacer la cotation principale de son groupe de la Bourse de Paris à la Bourse de New York. L’hypothèse de voir le géant pétrogazier partir sur le continent américain « a fait réagir le Sénat », explique à cet égard le sénateur écologiste Yannick Jadot, rapporteur de cette commission.

Mais pour les associations environnementales, le rôle de l’État pour obliger Total à respecter les objectifs fixés par l’Accord de Paris est minimisé dans cette synthèse. Soraya Fettih, chargée de campagnes France pour 350.org, fustige dans un communiqué signé par plusieurs ONG : « [La commission] reste trop timide dans ses recommandations sur le rôle régulateur de l’État pour imposer une vraie transition énergétique juste et compatible avec l’urgence climatique. »

• Stop au GNL russe

Par ailleurs, le rapport recommande à l’Etat l’arrêt « dès que possible » des importations de GNL russe en France et de l’inclure « aux produits énergétiques sous sanctions européennes ». Et pour cause : depuis la guerre en Ukraine et l’assèchement des approvisionnements en hydrocarbures russes, l’Hexagone est devenue dépendante du gaz naturel liquéfié importé par TotalEnergies depuis des champs gaziers situés en Sibérie.

Outre la dépendance à la Russie, ce gaz est très critiqué par les écologistes pour son bilan climatique mitigé. Il est très nocif pour le climat, « parce que très énergivore, parce qu’en ouvrant des marchés mondiaux il pousse toujours plus la production en amont, et parce que sa chaîne de valeur crée des fuites de méthane », détaillait Lorette Philippot, des Amis de la Terre, en mars à l’AFP.

Si l’avis du Sénat venait à être suivi et qu’il se concrétisait par la fin prochaine de l’import de GNL russe, ce serait donc une bonne nouvelle pour les ONG. Mais elles appellent tout de même le gouvernement français à aller plus loin. Juliette Renaud, coordinatrice des Amis de la Terre France, explique : « L’État doit sortir de son silence et prendre position pour le paquet de sanctions négocié en ce moment même à Bruxelles. Ces sanctions doivent couvrir les importations et les opérations de transbordement qui permettent à la Russie d’exporter plus de GNL à travers le monde. »

• Pas de projets d’hydrocarbures chez le pays hôte de la COP29

Autre recommandation majeure issue de la commission d’enquête sénatoriale : « l’arrêt des nouveaux projets ou de nouvelles phases de projets en cours impliquant des entreprises françaises dans le secteur des hydrocarbures en Azerbaïdjan », par ailleurs pays hôte de la prochaine conférence climatique de l’ONU, la COP29, en novembre.

Sur ce point, et plus largement sur les nouveaux projets du géant des hydrocarbures, les associations restent encore une fois sur leur faim. Elles déplorent notamment que le texte ne demande par l’arrêt du projet Eacop, un pipeline géant construit par TotalEnergies en Ouganda et Tanzanie. « Alors que le rapport contient une recommandation sur l’arrêt des projets d’hydrocarbures en Azerbaïdjan, les preuves et témoignages sur les violations des droits humains liées au projet Eacop en Ouganda semblent avoir laissé de marbre les sénateurs conservateurs, aveuglés par leur complaisance avec la multinationale. », se désole Juliette Renaud, des Amis de la Terre.

Au-delà des préconisations jugées trop « timides », Greenpeace, Réseau action climat ou encore Notre action à tous, regrettent que les sénateurs de droite aient « choisi de faire l’impasse sur des enjeux majeurs comme la question de la taxation des superprofits » de TotalEnergies. En clair, qu’ils n’aient fait qu’un tout petit pas.

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