Ce que peut faire et ne peut plus faire un gouvernement des « affaires courantes »
POLITIQUE – Le der des ders. Le président de la République a convoqué ce mardi 16 juillet un Conseil des ministres qui a toutes les chances d’être le dernier de Gabriel Attal. La démission du chef du gouvernement présentée le 8 juillet dans la foulée du second tour a été refusée par Emmanuel Macron au nom de la « stabilité » du pays. Une semaine plus tard, le chef de l’État est en passe de l’accepter.
Le Conseil des ministres devrait ouvrir la voie à une nouvelle configuration dans laquelle Gabriel Attal se trouvera à la tête d’un gouvernement démissionnaire, uniquement chargé des « affaires courantes ». Un gouvernement démissionnaire « reste en place, tant qu’il n’est pas remplacé par un nouveau gouvernement, pour assurer, au nom de la continuité, le fonctionnement minimal de l’État », explique une note du secrétariat général du gouvernement (SGG) datée du 2 juillet, dont l’AFP a obtenu une copie.
Le cas s’est déjà présenté sous la Ve République. Pour autant, le principe « des affaires courantes » ne figure pas dans la Constitution de 1958. Le terme est en revanche mentionné dans la Constitution de 1946 de la IVe République et défini par le Conseil d’État dans un arrêt de 1952 qui fait toujours autorité. Deux catégories sont établies : les mesures « nécessaires au bon fonctionnement ordinaire de l’Administration, dépourvues de toute initiative nouvelle » et celles qui doivent être prise au regard d’une situation d’urgence, explique Benoît Plessix, professeur à l’Université Paris-Panthéon-Assas dans une note pour Le Club des Juristes.
Ce que peut faire le gouvernement
La définition est reprise par le SGG dans sa note. Les « affaires ordinaires » participent à « la marche normale de l’État » et ne nécessitent « aucune appréciation de nature politique ». Auprès du Monde, le constitutionnaliste Dominique Rousseau explique que « dès lors que les lois ont déjà été votées, le gouvernement serait également en droit de publier les décrets d’application » qui en découlent. Ainsi, la ministre de l’Éducation nationale Nicole Belloubet pourra organiser les groupes de niveau prévus dans la loi via une circulaire pour la rentrée de septembre.
Même s’il est uniquement en charge des « affaires courantes », le gouvernement peut être réuni en Conseil des ministres à la demande du président de la République. Mais l’ordre du jour est souvent « particulièrement léger », précise le SGG. Le chef de l’État peut continuer à procéder à des nominations sauf « les plus politiquement sensibles », comme celles des directeurs d’administration centrale.
Néanmoins, plus les périodes d’affaires courantes ont été longues, plus cette notion a été « appréciée de façon extensive », relève le SGG. Sous la Ve République, un gouvernement démissionnaire n’a jamais dépassé 9 jours, quinze en moyenne sous la IVe.
Mais les textes ne prévoient pas de durée limite pour cette période. Elle pourrait donc s’éterniser. Surtout dans un contexte où la nomination d’un nouveau gouvernement pourrait prendre du temps faute de majorité absolue à l’Assemblée et avec les Jeux Olympiques qui démarrent le 26 juillet. S’éterniser et possiblement se compliquer.
Ce qui ne peut pas être fait
Le gouvernement démissionnaire peut-il présenter un projet de loi ? Dans la mesure où elle n’est en charge que des affaires courantes, l’équipe sortante ne doit pas présenter de mesures qui engagent ses successeurs. Cela exclut donc des textes nouveaux et aucun gouvernement en affaires courantes n’en a présenté sous la Ve République. D’une part parce que toute mesure législative est tenue « pour importante et politiquement sensible » et, d’autre part, « il peut sembler inadéquat de saisir le Parlement alors même qu’il est privé de sa prérogative la plus forte, à savoir la possibilité de renverser le gouvernement », explique le SGG.
À de petites exceptions près ? Le gouvernement peut déposer un projet de loi pour éviter la caducité d’une ordonnance, pour réparer une inconstitutionnalité ou transposer dans les temps une directive. Surtout, il peut aussi déposer un projet de loi pour doter le pays d’un budget selon la note du Secrétariat général du gouvernement. S’il échoue à le faire adopter dans les 70 jours ou ne le dépose pas en temps voulu, il peut ensuite procéder par ordonnances (article 47 de la Constitution). Reste que cette situation ne s’est jamais produite. En cas de contestation d’une décision du gouvernement démissionnaire, le Conseil d’État peut être saisi pour trancher selon les critères d’urgence ou de bon fonctionnement de l’État établis en 1952.
En face, l’Assemblée nationale ne peut plus renverser l’équipe démissionnaire. Exit donc les motions de censure, outil fétiche des oppositions pour manifester son mécontentement, notamment sur les questions budgétaires.
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