Politique

Cet extrait de Baron noir avait anticipé ce qui se joue actuellement à gauche

POLITIQUE – Depuis bientôt dix jours, la gauche enchaîne les réunions, les coups de fil, les entrevues et les visios, mais rien n’y fait : elle ne parvient pas à se mettre d’accord sur un nom de Premier ministre. En face, l’impatience monte, les critiques fusent et le spectre d’un éclatement du Nouveau Front populaire se rapproche dangereusement. De fait, le Parti socialiste et La France insoumise, au coude-à-coude en nombre de sièges à l’Assemblée nationale, se livrent à un interminable bras de fer, duquel chacun espère sortir gagnant. Mais derrière cet enlisement, se cachent en réalité deux stratégies bien distinctes.

Deux approches parfaitement résumées dans un passage de la série Baron noir, diffusée en 2020 sur Canal+. Dans la saison 3, la Présidente centriste (mais issue du PS) Amélie Dorendeu entend mener une révision constitutionnelle d’ampleur et opte pour le référendum. Une campagne s’engage ; le camp du « oui » fait face à celui du « non », y compris à gauche. Un débat est organisé à ciel ouvert, dans une arène géante. Les gradins sont noirs de monde. Michel Vidal, personnage incarné par François Morel et fortement inspiré de Jean-Luc Mélenchon, prend la parole le premier. Il explique pourquoi, à ses yeux, il est important de rejeter cette réforme de la Constitution. Puis Philippe Rickwaert, ex-socialiste au parcours cabossé interprété par Kad Merad, attrape le micro.

« On prend la victoire »

« De là d’où je viens, c’est-à-dire du peuple, quand on peut prendre, on prend. Parce qu’on en a besoin. On ne rejette pas des avantages parce que peut-être plus tard dans un monde idéal on peut en obtenir de meilleurs », clame-t-il sous les applaudissements. Le parallèle est saisissant avec les tractations du NFP. Une partie de cette coalition, notamment chez les socialistes mais pas que, considère qu’arracher quelques victoires permettrait d’améliorer ne serait-ce qu’un peu la vie des Français. « Voulons-nous être maximalistes et voir un gouvernement NFP censuré au bout de deux jours, ou au contraire être en mesure de gouverner et de changer la vie des Français en matière de salaires, de climat, de démocratie, de services publics ? », a ainsi résumé Olivier Faure mardi 16 juillet sur France Inter. La stratégie des petits pas, en somme, loin de la théorie du « Grand soir ».

Une autre part du NFP, et précisément la France insoumise, estime au contraire qu’il importe d’appliquer « tout le programme, rien que le programme » et entend aller au bout des mesures annoncées pendant la campagne. Ceux-là regardent avec insistance les prochaines échéances électorales, qui pourraient leur permettre d’avoir les coudées franches. Et c’est là que l’analogie avec l’extrait en question devient pertinente. « Quand on lutte et qu’on n’a plus de quoi donner à manger à ses enfants, on encaisse la hausse de salaire, on prend la victoire, on ne la méprise pas. C’est la victoire qui entraîne, qui construit les suivantes », défend Philippe Rickwaert dans « Baron noir », comme le ferait aujourd’hui Olivier Faure au sujet de Matignon.

Dans la même intervention, le personnage joué par Kad Merad met en garde les partisans de gauche radicale : « Qu’est-ce qui vaut mieux ? Une Constituante un jour, peut-être, ou un référendum ici et maintenant ? Pour la Constituante, il faudrait que Michel Vidal gagne la présidentielle. Je nous le souhaite, je le souhaite à la France. Mais il y a déjà eu deux échecs. » Là encore, ces propos font largement écho aux candidatures successives de Jean-Luc Mélenchon, qui promet un programme de rupture, mais qui n’a jamais atteint le second tour de l’élection présidentielle et dont le profil est jugé au sein même de la gauche comme trop clivant pour atteindre le seuil de qualification.

Quant à l’enjeu de la Constituante évoqué par la série, si on le remplace par celui de la hausse des salaires ou de l’abrogation de la réforme des retraites, cela donne le sentiment d’un échange très réel. Au final, Philippe Rickwaert alerte sur le risque de voir Debout le peuple, avatar de La France insoumise, « se dévoyer, jusqu’à se trahir et finir par disparaître dans les poubelles de l’Histoire ». Le gouvernement de gauche qui est amené à se constituer permettra-t-il aux insoumis de rompre pour la première fois de leur histoire avec l’opposition ? Il faut pour cela qu’un nom de Premier ministre émerge. Et que le PS et LFI fassent chacun un pas vers l’autre. Nous n’y sommes pas.

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