Politique

« Face à la peste brune, l’heure est au cordon sanitaire européen »

TRIBUNE – Le résultat du second tour des élections législatives en France a été un soulagement pour tous les démocrates européens. Même au-delà de notre continent, la chute de la France du côté obscur de la force aurait signifié un effondrement de l’un des piliers de l’Union européenne. Elle aurait consacré non seulement la victoire du racisme et de la réaction la plus rance dans notre pays, mais aussi celle des puissances étrangères qui ont largement alimenté la campagne de Jordan Bardella et de Marine Le Pen grâce aux méthodes de la guerre hybride à laquelle nous sommes désormais confrontés par des assauts continus.

Car derrière le masque du patriotisme autoproclamé de la vague brune qui menace nos pays, il y a le visage de Vladimir Poutine et de tous les ennemis du modèle démocratique occidental.

Oh, bien entendu, ce dernier n’a pas toutes les vertus, et nous autres qui prétendons défendre les valeurs humanistes héritières des lumières serions bien inspirés de nous rappeler que se réclamer de ces idéaux implique des devoirs en matière de solidarité, de politiques sociales et d’un rapport au monde plus équilibré, plus équitable et plus juste.

Après ce premier tour, donc, qui promettait la victoire du pire, la France a su se ressaisir. D’abord en convoquant un « front républicain » des forces attachées au respect de ses valeurs pour empêcher que l’extrême droite gouverne notre pays.

Il n’y a pas de bons ou de mauvais fascistes. Ils ont en commun le même ferment qui est la haine de la démocratie, de la République et des valeurs humanistes.

Il a fallu le volontarisme des Verts français qui ont lancé cette dynamique, puis l’adhésion de l’ensemble des forces de gauche, familières de ce principe intangible dans leur Histoire ; et enfin, le consentement des partis politiques centristes pour que, face aux candidats du Rassemblement national, ne soit opposée qu’une seule candidature, celle qui était la mieux placée à l’issue du premier tour pour les battre. À cette proposition de front républicain, le peuple a répondu présent. Et c’est cette mobilisation qui a été décisive.

Le péril provisoirement écarté, mon regard se porte donc à nouveau sur l’Europe.

Aucune nuance de brun n’est acceptable

Sitôt défait en France, Jordan Bardella dévoile la nature qui est la sienne et de ses semblables, qu’il avait tenté d’escamoter pendant la campagne législative française : son attachement à l’illibéralisme et sa proximité avec la Russie de Poutine.

L’axe Orbán-Le Pen est désormais affiché au grand jour. Le chantage permanent contre les intérêts de l’Union européenne et notre conception de l’État de droit est à l’ordre du jour.

Mais il ne faudrait pas que ce nouveau groupe d’extrême droite serve de paravent ou de diversion au bénéfice des autres… Car le groupe ECR ne vaut guère mieux. Et le nouveau groupe dit « souverainiste », non plus.

Voyez-vous, en France, nous connaissons toutes les nuances de bruns… Et je veux affirmer qu’aucune n’est acceptable !

Le brun de Bardella n’a rien à envier à celui de la nièce de Marine Le Pen, Marion Maréchal, qui a rejoint le groupe ECR des néofascistes italiens de Giorgia Meloni, ou encore celui de la conseillère politique d’Éric Zemmour — qui affirme que le Maréchal Pétain a sauvé des juifs en France pendant la Seconde guerre mondiale — qui a, elle, opté pour les « souverainistes ».

Nous refusons ce jeu hypocrite qui consiste à donner quitus à des fascistes sous prétexte qu’on les considérerait plus fréquentables que d’autres.

Il n’y a pas de bons ou de mauvais nazis, ni de bons ou de mauvais fascistes, ni de bons ou de mauvais franquistes, ni de bons ou de mauvais pétainistes. Ils ont le même ferment en commun qui est la haine de la démocratie, de la République et des valeurs humanistes.

Il faut une frontière étanche entre la Démocratie et ses ennemis

L’expérience française révèle que la clarté paye. Et dans ce moment décisif, la clarté consiste à tracer une frontière étanche entre la Démocratie et ses ennemis. Le PPE (groupe de la droite européenne) doit cesser de jouer un double jeu en s’appuyant sur tout ou partie des partis fascistes européens pour imposer son leadership.

On ne peut pas être en même temps du côté de la démocratie européenne et de ceux qui la menacent. On ne peut pas flatter les comploteurs amis des régimes totalitaires qui haïssent l’Europe tout en prétendant la gouverner avec les progressistes. On ne peut pas défendre la souveraineté européenne et brader ses intérêts et ses valeurs avec ceux qui les combattent chaque jour.

Que le parti d’Ursula Von der Leyen commence par clarifier ses relations vis-à-vis d’une partie de la peste brune qui se propage en Europe.

Le Parlement européen, qui a commencé à organiser sa gouvernance, a commis une première faute en permettant d’intégrer dans le bureau du Parlement européen deux vice-présidents d’extrême droite. Cette concession faite au pire est une insulte à notre Histoire comme à notre avenir. Les arrangements organisationnels ont pris le pas sur les valeurs qui fondent notre maison européenne commune depuis sa fondation.

Ces postes honorifiques et symboliques accordés aux héritiers politiques du fascisme ne doivent pas constituer le basculement de nos institutions vers l’acceptation d’une coalition de fait avec l’extrême droite.

Ursula Von der Leyen construit sa coalition en affirmant s’appuyer sur les groupes démocratiques et pro-européens. Que son propre parti commence donc par clarifier ses relations vis-à-vis d’une partie de la peste brune qui se propage en Europe.

Le temps de la naïveté, de l’ambiguïté et du cynisme est révolu. Aucune nuance de brun n’est tolérable. Il n’y a qu’une manière de combattre l’extrême droite : en bloc et totalement.

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