Le RN savoure son rôle « d’arbitre » pour la nomination d’un Premier ministre
POLITIQUE – Laurent Jacobelli, porte-parole du Rassemblement national, ne cache pas son sourire sur le plateau de TF1 ce jeudi 5 septembre. Sept semaines après les législatives, Gabriel Attal n’a toujours pas de successeur et Emmanuel Macron poursuit ses consultations. Consultations dans lesquelles Marine Le Pen apparaît comme une interlocutrice de poids et ses députés, des faiseurs de roi.
« Le président de la République a voulu nous mettre sur le banc de touche, il s’est trompé et il voit qu’on est au milieu du jeu et qu’on est arbitre. Sans nous, les lois ne passeront pas, avec nous les motions de censure passeront », savoure le député de Moselle. Il revendique une « place centrale dans le jeu politique », fort de la position du RN comme groupe le plus important à l’Assemblée nationale (126, auxquels s’ajoutent les 16 ciottistes) et comme « premier parti de France ».
Au fil des consultations, deux noms sont revenus avec insistance : celui du LR Xavier Bertrand et celui de l’ancien chef de gouvernement socialiste Bernard Cazeneuve. Problème : les deux se sont vus menacés de censure par le Rassemblement national et son allié, en plus de l’opposition exprimée par le Nouveau Front populaire. Et sans majorité dans l’hémicycle, leur vote s’avère décisif – sauf accord (très improbable) entre tous les autres groupes.
En témoigne le cas David Lisnard, dont le nom a circulé mercredi… après avoir été lâché par Sébastien Chenu comme un potentiel compromis accepté par le RN, donnant l’impression de faire monter les enchères. Le maire de Cannes a finalement tempéré, déclarant à Ouest-France qu’il ne « pens(ait) pas que cette hypothèse se présente ». Ce jeudi, alors que l’option Michel Barnier commençait à circuler, les élus RN l’ont immédiatement fustigé. Au point de la faire enterrer dans la journée ?
Macron « soumis » à Le Pen
Après le « front républicain » du second tour des législatives et le souhait émis par le président de la République de trouver une coalition avec les forces « républicaines », l’ironie de la situation n’échappe pas au parti d’extrême droite. Pas plus qu’à certains élus du camp présidentiel, à l’instar de la députée Renaissance Astrid Panosyan. « Nous faisons aujourd’hui du RN le censeur en chef ou non d’un futur Premier ministre. Il faudra s’affranchir de la censure du RN et de la LFI pour trouver un chemin commun républicain, démocratique et européen », déplore-t-elle sur X.
La gauche aussi s’indigne. « Que le Rassemblement national soit l’arbitre des inélégances d’un président de la République qui est prêt à composer avec lui est en effet un problème », dénonce le président du groupe socialiste Boris Vallaud sur France 2 ce jeudi. Emmanuel Macron « teste des noms dont on sait déjà à la fin que ce ne sera pas bon. On sait à la fin qui décide, elle s’appelle Marine Le Pen », abonde la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier sur franceinfo le même jour, expliquant cette trahison du « front républicain » par le refus du chef de l’État de se tourner vers la gauche.
Marine Le Pen ne revendique pas haut et fort le titre de faiseuse de Premier ministre. Le vice-président du parti Sébastien Chenu non plus. Mais, s’amuse-t-il sur BFMTV, « aujourd’hui c’est tout juste si on ne nous fait pas la cour et si Marine Le Pen ne devient pas la DRH d’Emmanuel Macron », assurant qu’il n’en sera rien.
Cette fausse modestie n’empêche pas le parti lepéniste de poser ses trois conditions pour ne pas voter la censure : « Que le Premier ministre respecte nos électeurs, que le budget s’effectue en consultation avec l’ensemble des groupes, qu’on puisse enfin débattre sur la proportionnelle et qu’il s’engage en faveur du pouvoir d’achat, contre l’insécurité et pour réduire l’immigration », liste Marine Le Pen dans Le Monde, s’arrogeant implicitement un rôle d’arbitre. Sans pour autant renoncer à la « liberté de vote et de censure » selon les conclusions des débats sur le budget 2025. Une menace qui n’est plus voilée.
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