Politique

Les discrets revirements du RN sur ses mesures économiques et sociales

POLITIQUE – Après l’opération dédiabolisation, enclenchée avec un certain succès, le Rassemblement national (RN) passe à la phase crédibilisation. L’objectif est désormais de rassurer les entrepreneurs, les marchés et le patronat, effrayés pour certains par un programme économique qu’ils jugent trop favorable aux salariés. Dans la continuité des déclarations pro business de Jordan Bardella, le RN a présenté le 14 septembre son livret économique.

Et ce qui saute aux yeux, c’est le retrait de plusieurs mesures étiquetées « sociales ». À commencer par la réforme de l’assurance-chômage, que la CGT qualifiait de « plus violente réforme de tous les temps » en ce qu’elle prévoit un nouveau tour de vis et un contrôle accru des chômeurs. Le RN ne propose plus de l’abroger. Pendant la campagne des législatives, Jordan Bardella assurait encore qu’en cas de victoire, il reviendrait sur cette réforme « injuste ». C’était il y a seulement trois mois. Et ce n’est plus cas.

Le même sort a été réservé à la proposition de baisse de la TVA sur les produits énergétiques (gaz, électricité, fioul, carburants…). Le RN en avait fait une mesure phare ; il s’agissait de rendre du pouvoir d’achat aux ménages les plus modestes, au prix d’une importante baisse des recettes pour l’État. Vu l’augmentation exponentielle de certaines factures d’énergie depuis deux ans, la proposition avait de quoi plaire.

Et pourtant, elle n’apparaît pas dans les 35 pages présentées le week-end dernier. Un cadre du RN justifie dans l’Opinion : « On ne voulait pas que ça étouffe le livret ». Idem sur l’emploi des seniors : la formation d’extrême droite entendait faire des plus de 55 ans des « travailleurs protégés ». Plus maintenant. Seule demeure l’abrogation de la réforme des retraites, que le RN a prévu d’inscrire dans sa niche parlementaire. Ou plutôt : « réformer les retraites dans une logique de performance économique et de justice sociale ».

Ligne sociale ou pro business ?

En revanche, tout une série de mesures favorables au patronat sont maintenues en bonne place : baisse des impôts de production sur les entreprises, via la suppression de leur contribution foncière (CFE), exonérations de cotisations pour les boîtes qui augmenteraient les salaires de 10 %, création d’un fonds souverain… « J’entends faire connaître la réalité de notre programme et mettre fin à cette incompréhension infondée qui se base sur des caricatures de notre programme économique, qui est raisonnable », avait déclaré Bardella au mois de décembre lors du salon des PME à Paris.

Longtemps, le parti à la flamme s’est concentré sur l’objectif de conquérir un électoral populaire et ouvrier. Une stratégie qui lui a permis de rafler, par exemple dans le Pas-de-Calais, 10 circonscriptions sur 12 aux dernières législatives. Mais ce « en même temps » (que l’on avait vu exploser à la figure de Jordan Bardella au sujet de la réforme du RSA) à cheval entre une ligne sociale et pro business, est-il tenable dans la durée ?

Force est de constater que les revirements sur le plan économique et social, annoncés le week-end dernier, ont été peu mis en avant. Lors de leurs passages télé ou radio, les cadres du RN n’ont pas spécialement été questionnés sur le livret. Ce n’est pourtant pas un petit sujet. Les proches de Marine Le Pen ont fait une rentrée discrète. Ils savent qu’ils n’ont pas besoin d’être très présents sur la scène politico-médiatique, préférant rester deux pas en arrière, à l’abri des polémiques. Le grand meeting de rentrée l’an dernier à Beaucaire (Gard) a, cette année, laissé place à une rentrée en catimini dans un sous-sol de l’Assemblée. L’endroit idéal pour amputer son projet de plusieurs propositions phares.

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