Politique

Indignée, l’aile gauche de la Macronie peut-elle cette fois mettre sa menace à exécution ?

POLITIQUE – Le phénomène s’observe depuis plusieurs années. À chaque fois qu’Emmanuel Macron a mis un coup de barre à droite, des figures estampillées « aile gauche » de la Macronie sont montées au créneau pour exprimer leur désaccord. Un débat sur l’immigration en 2019 ? Cette petite équipe fait circuler une tribune, tandis que d’autres ferraillent dans les médias en demandant à leur famille politique de ne pas faire ce cadeau RN.

Las, le débat a eu lieu. Pas fin 2019 (pour cause de crise sanitaire) mais en décembre 2022. Réforme des retraites, loi immigration, réforme de l’assurance chômage… Les dossiers qui ont irrité la tendance « social-démocrate » du camp présidentiel sont nombreux. Autant que les couleuvres avalées pour demeurer au sein d’une famille politique qui n’a cessé de dériver sur la droite. Certes, il y a eu des coups d’éclat, comme la démission d’Aurélien Rousseau, alors ministre de la Santé, lors de loi immigration, mais jamais un acte collectif signant un divorce qui affaiblirait le « bloc central ».

Un début de sécession ?

À moins que la composition du gouvernement de Michel Barnier, comptant de nombreuses personnalités issues de la droite conservatrice, agisse comme la goutte faisant déborder le vase. Après l’annonce ce samedi 21 septembre, le député Renaissance des Côtes-d’Armor, Éric Bothorel (déjà déçu par la nomination du Premier Ministre) publiait sur le réseau social un panneau de signalisation à la signification évocatrice : celui consacré à la priorité à droite. Ce lundi 23 septembre, Stella Dupont acte aussi le début d’une sécession.

« Je ne soutiens pas ce gouvernement », explique-t-elle dans une interview à Libération, affirmant être prête à faire tomber Michel Barnier s’il le faut. « Tout ce qui touche à mes valeurs, à ma conception d’une France de droits et de devoirs pour tous, une France ouverte, peut m’amener à censurer, même si ce n’est pas ce que je souhaite faire a priori. Et compte tenu de la vision politique de différents ministres, dont Bruno Retailleau, le risque de voir ce type de mesures se concrétiser est réel », prévient-elle. « C’est un gouvernement très à droite, très conservateur. On n’est pas là pour faire Fillon II. Quand on vient de la gauche, on n’a rien à faire dans un gouvernement comme celui-là », renchérit dans Le Parisien l’ancien ministre de l’Agriculture, et député de la Manche, Stéphane Travert.

Menaces en l’air

De quoi promettre une rébellion en bande organisée ? Quelques jours plus tôt, c’était sa collègue de Loire-Atlantique, Sophie Errante, qui actait la rupture dans Mediapart. « J’ai fait le constat que nous n’étions pas en capacité de faire de la politique autrement, ce qui était précisément ce pour quoi je m’étais engagée à La République en marche en 2017 », regrettait-elle en annonçant quitter le groupe, alors que Sacha Houlié, marcheur historique et figure de l’aile gauche, avait coupé les ponts depuis des semaines.

Alors, le temps de l’émancipation est-il venu ? Il est permis d’en douter. Puisque ce n’est pas la première fois que l’aile gauche menace de faire bande à part. Déjà, au mois de janvier, l’idée d’un groupe dissident avait circulé après la nomination de Gabriel Attal, qui actait (déjà) un virage à droite aux accents sarkozystes, marqué (entre autres) par l’arrivée de Rachida Dati à la Culture. En off, certains évoquaient même une « déchirure ». Or, l’histoire l’a montré, tout ce petit monde est bien resté au sein de l’ex-majorité présidentielle.

Outre cette inclination à menacer en l’air, d’autres éléments peuvent les retenir à leur famille d’origine. Et notamment les ténors macronistes venant de la gauche qui restent légitimistes. À l’image d’Élisabeth Borne qui souhaite prendre la tête de Renaissance. Une campagne interne pour laquelle elle a obtenu le soutien de Clément Beaune, ex-ministre des Transports également estampillé « aile gauche ». On peut aussi citer Agnès Pannier-Runacher qui se revendique de ce courant, et qui reste pourtant au gouvernement en qualité de ministre de la Transition écologique. Autant d’éléments qui laissent penser que cette sensibilité du macronisme n’a pas vraiment fini d’avaler des couleuvres.

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