Glucksmann, Delga, Hollande… Comment la gauche sociale-démocrate se prépare pour 2027
POLITIQUE – Bram sera ce week-end le centre de toutes les attentions à gauche. Cette petite commune de l’Aude, connue pour son centre-ville circulaire, recevra du beau monde. François Hollande, Bernard Cazeneuve, Raphaël Glucksmann, Benoît Payan (maire de Marseille), Karim Bouamrane (maire de Saint-Ouen) et Tova Kaplan (porte-parole de Kamala Harris) s’y presseront notamment, autour de Carole Delga. La présidente de la région Occitanie joue gros. Depuis trois ans qu’elle organise sa rentrée politique, jamais une édition n’avait revêtu pareille importance.
Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, la gauche sociale-démocrate opposée à la stratégie d’Olivier Faure tâtonne. Un pied dans le Nouveau Front populaire, un pied en dehors. Sans trop savoir où elle va, elle répète à longueur d’interviews son hostilité à Jean-Luc Mélenchon et à La France insoumise. Mais l’horizon de la prochaine présidentielle, en 2027 ou avant, ouvre des perspectives et pousse le centre gauche à s’activer. Outre l’événement de Carole Delga dans l’Aude, des figures comme Raphaël Glucksmann ou François Hollande ont fait ces jours-ci des sorties coordonnées dans la presse.
Travail de fond
Le journal Libération ne consacre pas moins de cinq pages à l’ancien essayiste devenu député européen dans son édition du 27 septembre. On y apprend qu’il ne « tourne plus autour du pot », la prochaine course à l’Élysée en ligne de mire. « Je travaille à une reconstruction de la social-démocratie, une gauche sociale, européenne, humaniste, écologiste et féministe », assume-t-il auprès du quotidien. Révélant bientôt « se coller » à des tâches ingrates mais nécessaires (recherche de mécènes, levée de fonds, constitution d’une équipe), Raphaël Glucksmann se livre à une comparaison inattendue. « Il faut faire ce que Mélenchon a fait, dit-il d’emblée, malgré tout ce qui l’oppose au fondateur de La France insoumise. Renouveler la doctrine, former des cadres, des militants… Lui, il travaille, il lit, il écrit, il est capable de tenir une heure et demie sur la Sécurité sociale, l’immigration ou la mer. C’est ainsi qu’il a imposé son magistère sur la gauche ».
Il y a quelques jours, aux Rencontres de la social-démocratie, le fondateur de Place publique avait déjà indiqué vouloir s’inspirer de la méthode de travail de Jean-Luc Mélenchon : « LFI a produit un travail que les autres forces politiques n’ont pas produit. Ils ont une vision étayée, cohérente. Quand on demande à un militant insoumis quelle est sa vision du monde, il récite l’Avenir en commun et il est capable d’en parler pendant une heure, huit heures même, douze heures s’il est au sommet… » Raphaël Glucksmann n’a pas oublié que le tribun a fait parmi les plus hauts scores de la gauche ces dernières années, atteignant 22 %, sans toutefois jamais se qualifier pour le second tour. Il s’apprête aussi à se lancer dans un vaste tour de France, sur le modèle de sa campagne aux européennes, à la rencontre de territoires et de gens qu’il ne connaît pas ou mal. Une façon de briser la glace et de rompre avec une image de parisien élitiste et déconnecté. Cet été, il a rencontré de nombreux macronistes en questionnement (Clément Beaune, Gilles le Gendre, Olivier Véran), dîné avec certains d’entre eux et échangé régulièrement avec l’ex-secrétaire général de la CFDT Laurent Berger.
« La gauche radicale a montré ses limites »
L’ex-essayiste, qui organise pour la première fois sa propre rentrée politique du 4 au 6 octobre à la Réole (Gironde) entouré notamment d’Anne Hidalgo, de Yannick Jadot et de Cécile Duflot, sait aussi que la concurrence sera rude sur son segment politique. François Hollande et Bernard Cazeneuve pour ne citer qu’eux ont-ils renoncé à toute ambition présidentielle ? Quand la question est posée au premier, il louvoie. Il sait que c’est trop tôt pour se déclarer, que tant de choses peuvent se passer d’ici là. Mais tout de même.
L’ancien chef de l’État profite de la sortie de son livre Le Défi de gouverner, qui retrace l’histoire tumultueuse mais riche de la gauche, pour glisser quelques clins d’œil politiques. « La gauche radicale a montré ses limites », répète-t-il à l’envi, comme pour mieux souligner que seule « une gauche réformiste » a ses chances de l’emporter. Redevenu député de la Corrèze, François Hollande a retrouvé un rôle actif dans le débat politique national. Ce qui n’est pas pour lui déplaire. Si ses intentions réelles sont difficiles à cerner, il cherche lui aussi à installer la confrontation avec le leader insoumis. « Jean-Luc Mélenchon n’est plus dans la même situation qu’en 2022, il a perdu l’auréole de ses 22 % à la présidentielle », confie l’ancien Président au Parisien.
Il en reste un, tout aussi insondable et difficilement prévisible : Bernard Cazeneuve. L’ancien ministre de l’Intérieur, dont le nom a circulé tout l’été pour entrer à Matignon, ne fait pas mystère de sa volonté de retrouver une voix sur la scène nationale. Il participe ce week-end à la rentrée du MoDem à Guidel (Morbihan) où il doit prendre la parole, avant de poursuivre son tour de France à la rencontre de ses soutiens. La création de son mouvement « La Convention » au printemps 2023 répondait à l’objectif de fédérer une partie des macronistes déçus et d’y agréger l’électorat socialiste habituel. Tout en montrant les muscles face à un Jean-Luc Mélenchon bien installé. Il y a bien des choses qui divisent ces figures sociales-démocrates, mais elles sont au moins réunies par leur détestation commune du leader de La France insoumise.
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