Pourquoi Barnier est condamné à ne pas trop en dire pour sa déclaration de politique générale
POLITIQUE – C’est l’un des secrets les mieux gardés de l’exécutif : à quoi ressemblera la déclaration de politique générale que Michel Barnier prononcera ce mardi 1er octobre devant l’Assemblée nationale ? Sondé par Le HuffPost en amont de l’exercice, l’entourage du Premier ministre choisissait le silence. Un mutisme qui peut s’entendre compte tenu du caractère inédit de la situation, qui a plongé le Savoyard à la tête d’un collectif baroque, étalant ses divergences sur la place publique tout en plaçant son destin entre les mains du RN.
Ainsi, plus que de dessiner la feuille de route gouvernementale, cette « DPG » a comme mission principale de maintenir debout ce fragile édifice. Raison pour laquelle le cabinet de Michel Barnier prévenait, dans l’un des rares indices glissés à la presse, que le discours ne tournera pas au « catalogue de mesures ». Voilà qui tranche avec celui prononcé en janvier par Gabriel Attal, qui avait multiplié les annonces (RSA, assurance chômage, AME etc.).
Majorité friable
Reste que l’exercice conserve ses obligations (mais pas celle de demander un vote de confiance à l’issue), que liste dans une analyse livrée au Monde Blanche Leridon, directrice éditoriale de l’Institut Montaigne et spécialiste des questions démocratiques et institutionnelles : « une quête intransigeante d’exhaustivité (ne pas oublier de mentionner le moindre sujet de politiques publiques un tant soit peu saillant), une révérence affectée aux bilans de vos prédécesseurs (tout en promettant que vous ferez mieux qu’eux), un œcuménisme de façade positionnant l’oratrice ou l’orateur comme la ou le Premier ministre de tous les Français ». Une liste à laquelle on peut ajouter le sacro-saint clin d’œil aux « territoires » et la gravité du ton imposée par un contexte forcément alarmant.
Voilà pour la forme. Car sur le fond, Michel Barnier est condamné à ne pas trop s’épancher pour ne pas fissurer la majorité friable sur laquelle il espère bâtir son action gouvernementale. Qui plus est au surlendemain des déclarations de son ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau (sur la possibilité de s’affranchir de l’État de droit) qui ont interloqué le camp présidentiel, dont certains ministres. Une montée de fièvre, mais surtout un exemple chimiquement pur. Car si le Premier ministre appuie la vision du locataire de la place Beauvau, il prend le risque de s’aliéner les troupes macronistes et de voir le maigre socle qui le soutien s’affaisser sur lui-même.
Prêt à renverser la table ?
Au contraire, s’il prend ses distances avec ces déclarations directement puisées dans le lexique de l’extrême droite, il met en péril la mansuétude que lui offre le RN, qui aurait alors le loisir d’appuyer sur le bouton de la censure en dénonçant une énième « trahison » de la droite républicaine sur la sécurité et l’immigration. Pile je perds, face je ne gagne pas. De quoi mesurer le périmètre restreint du cadre dans lequel Michel Barnier devra s’exprimer. Même chose concernant les arbitrages budgétaires. S’il apparaît impossible pour le Premier ministre d’esquiver la question au regard de la gravité de la situation, il lui sera particulièrement difficile de ne pas braquer sa majorité restreinte, dont une partie s’élève contre toute hausse d’impôt, quand lui entend récupérer plusieurs milliards d’euros en actionnant le levier fiscal.
Ainsi, au regard des nombreuses contradictions qui corsètent son action, et qui peuvent sceller le sort de son gouvernement, il est difficile à ce stade d’anticiper cette déclaration de politique générale autrement que comme un alignement de généralités censés imprimer son volontarisme. Ce qui permettra à chaque camp impliqué dans la survie de l’exécutif de trouver de quoi se satisfaire, ou de revendiquer une orientation exprimée comme une victoire symbolique.
Sauf si l’ex-négociateur du Brexit, qui fera le service après-vente de son discours sur France 2 ce jeudi, décide de renverser la table en mettant ses partenaires (déclarés ou objectifs) face à leurs responsabilités en prenant les Français à témoin. Réponse ce mardi 1er octobre à 15 heures.
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