On vous présente l’outsider de cette cuvée 2024 du prix Goncourt, l’écrivaine Hélène Gaudy
LITTÉRATURE – Qui pour succéder à Marguerite Duras, quarante ans après le sacre déterminant de son roman L’Amant ? Ce lundi 4 novembre, quatre auteurs sont encore en lice pour décrocher à leur tour la plus prestigieuse des récompenses littéraires françaises, le prix Goncourt. Et parmi eux, une « outsider » : l’écrivaine Hélène Gaudy.
« Je l’ai appris en cours, figurez-vous », a confié l’enseignante en master de création littéraire de l’université Paris VIII au micro de franceinfo, à la fin du mois d’octobre. C’est une de ses étudiantes – planquée sur son téléphone – qui lui a annoncé qu’elle figurait dans la short-list, face à Gaël Faye, Kamel Daoud et Sandrine Collette. « Et donc là, tout le monde m’a regardé bizarrement », se souvient la romancière.
Ce lundi, c’est pour son dernier roman Archipels, paru aux éditions de l’Olivier pendant la rentrée littéraire, qu’elle concourt. Un livre très personnel dans lequel Hélène Gaudy explore l’histoire d’un homme, son père. Grand collectionneur qui a amassé tout un tas d’objets au cours de sa vie, il est à jamais resté discret sur lui ou son enfance, dont il dit n’avoir aucun souvenir.
À cheval entre le récit familial et collectif (dont celui de la Résistance), Hélène Gaudy ne tente pas seulement de percer les secrets de cet individu mystérieux dans ce livre qu’elle a imaginé comme un dialogue avec lui, elle livre aussi un texte doux-amer, imagé et magnifiquement écrit sur la transmission ou la mémoire.
Archipels au Goncourt
Et qui dit beaucoup d’elle, aussi. Une première. « J’ai toujours plutôt travaillé sur des sujets très loin de moi, sur des lieux lointains, sur des questions historiques », précise l’autrice de 49 ans, toujours chez franceinfo. Dans Un monde sans rivage, elle nous emmenait au large de l’archipel du Svalbard, dans les années 1930. Dans Plein hiver, nous sommes sur la route de Lisbon, dans le nord des États-Unis. Et dans Une île, une forteresse : une antichambre d’Auschwitz.
La nomination d’Archipels, son huitième roman, n’est pas un hasard. Même si les jurés du Goncourt semblent plus friands d’œuvres romanesques, les textes intimes ont aussi une place non négligeable dans leurs coups de cœur, comme l’a rappelé le prix remis à Brigitte Giraud pour Vivre vite, en 2022. La surprise tient plutôt de son autrice.
Même si Hélène Gaudy nous vient, certes, d’un milieu parisien privilégié (son père Jean-Charles Gaudy étant lui-même auteur et professeur en école d’art) en plus d’avoir déjà été en lice pour ladite récompense littéraire, elle a un profil et une approche de l’écriture moins conventionnelle que beaucoup de ses prédécesseurs.
Une autrice jeunesse
À commencer par son champ d’exercice, pas cantonné aux récits pour adultes. Elle est l’autrice de plusieurs romans jeunesse. Quand j’étais Cagibi parle d’apprendre à trouver sa place au sein de sa famille. Je veux enlever la nuit, des difficiles endormissements dans l’enfance. Ça fonctionne. Sa série Lubin et Lou, sur des jumeaux loups-garous aux éditions Gallimard, compte aujourd’hui neuf tomes.
Plasticienne de formation, l’ancienne diplômée d’Olivier de Serres a gardé un pied dans l’art. Elle est l’autrice, par exemple, d’un livre sur Matisse. Et d’un autre sur Picasso. À elle aussi, on doit la préface d’un ouvrage de photographies d’Ayline Olukman (America) et les textes qui accompagnent celles de Pierre Faure, dans Les jours couchés.
Cette diversité dans l’écriture lui est chère. « J’aime bien cette idée que quand on écrit, on peut retrouver différentes périodes de sa vie. Quand j’écris de la littérature jeunesse, par exemple, j’ai l’impression de retrouver ce plaisir de lecture de quand j’étais enfant », argumente l’ancienne élève des arts déco de Strasbourg.
Vues sur la mer, diplôme et premier roman
École pour laquelle elle a d’ailleurs présenté un projet de diplôme atypique : son premier roman Vues sur la mer, en 2005. Un an plus tard, celui-ci a été publié aux éditions Impressions nouvelles, avant de figurer dans la deuxième sélection du prix Médicis (remportée cette année-là par Sorj Chalandon pour Une promesse).
À l’origine d’un parcours sonore à la Maison Rabelais en Touraine, ou d’une des échappées littéraires de l’Opéra de Paris, Hélène Gaudy nourrit sa relation au public, comme dans une déambulation au musée d’Orsay, lors de lectures musicales au musée Albert Kahn ou au rythme de ses résidences et ateliers d’écritures.
Pas étonnant de la voir citer dans son dernier livre André Breton, chef de file du mouvement surréaliste. Hélène Gaudy cultive elle-même une vision à part de la littérature, qu’elle décrit comme une « expérience vivante », pour reprendre ses mots dans cette interview pour Collateral. Ses contributions dans la revue La moitié du fourbi peuvent en témoigner. En 2018, elle y a publié des photos de son grand-père. Chez les Gaudy, le cabinet de curiosités est une affaire de famille.
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