L’inéligibilité requise contre Marine Le Pen au procès des assistants parlementaires du RN
POLITIQUE – Pour le parquet, cela ne fait aucun doute : Marine Le Pen a bien été à la manœuvre d’un détournement de fonds publics au profit de son parti, le Front national – devenu Rassemblement national. Après un mois et demi d’audience et plusieurs heures consacrées à l’accusation ce mercredi 13 novembre, une peine d’inéligibilité a été requise contre la députée du Pas-de-Calais et les 24 autres prévenus au procès des assistants parlementaires du RN.
Dans le détail, l’accusation a requis cinq ans de prison dont deux ans ferme aménageables, et une peine d’inéligibilité de cinq ans à l’encontre de l’ex-présidente du parti. Une amende de 300 000 euros a également été requise à son encontre.
Les procureurs ont demandé que cette peine soit « modulée » en fonction des responsabilités de chacun et assortie d’une « exécution provisoire », c’est-à-dire qu’elle s’applique immédiatement, même s’ils font appel. Une telle peine « viendrait interdire aux prévenus de se présenter à des futures élections locales ou nationales », a précisé le procureur devant la triple candidate à la présidentielle assise au premier rang des prévenus. « Nous sommes ici dans une enceinte judiciaire et le droit s’applique à tous », a-t-il ajouté.
Les procureurs ont pointé « un système organisé par la direction du parti » destiné à « servir les intérêts » du Rassemblement national. De 2004 à 2016, plusieurs collaborateurs étaient rémunérés par le Parlement européen, mais travaillaient en fait pour le parti. Au total, l’institution réclame 3,7 millions d’euros au RN pour dommages et intérêts.
Marine Le Pen, qui ne cache pas ses ambitions pour l’élection présidentielle de 2027, a affirmé à la sortie du tribunal que ces réquisitions n’étaient pas « une surprise ». La cheffe de l’extrême droite a tout de même dénoncé la « violence » et « l’outrance » de ces réquisitions. « Je pense que la volonté du parquet est de priver les Français de la capacité de voter pour ceux qu’ils souhaitent », et de « ruiner le parti », a ajouté la triple candidate à la présidentielle.
« Le parquet n’est pas dans la justice, il est dans l’acharnement et la vengeance à l’égard de Marine Le Pen. Ses réquisitions scandaleuses visent à priver des millions de Français de leur vote en 2027. C’est une atteinte à la démocratie », a déclaré Jordan Bardella sur X.
24 autres prévenus
Outre la leader d’extrême droite, 24 autres prévenus (cadres du parti, ex-eurodéputés, anciens assistants parlementaires…) sont jugés. Contre Bruno Gollnisch, les procureurs ont ainsi requis trois ans de prison, dont 2 avec sursis, 200 000 euros d’amende, et cinq ans d’inéligibilité.
Celui qui est désormais eurodéputé Reconquête ! Nicolas Bay risque, lui, jusqu’à 18 mois d’emprisonnement, dont 12 avec sursis, 30 000 d’amende, ainsi que trois ans d’inéligibilité. Parmi les autres cadres du parti, le maire de Perpignan Louis Aliot encourt 18 mois de prison dont 12 avec sursis, 30 000 euros d’amende, et trois ans d’inéligibilité.
Dix mois de prison avec sursis, 20 000 euros d’amende et un an d’inéligibilité avec exécution provisoire ont été requis contre le député RN Julien Odoul. Enfin, une amende de 4,3 millions d’euros dont 2 millions avec sursis a été requis contre le parti, également jugé.
Les arguments politiques de Marine Le Pen
Depuis le début de l’audience il y a un mois et demi, Marine Le Pen n’a eu de cesse de souligner que « les Français ne se passionnent pas pour ce procès » et de fournir des arguments beaucoup plus politiques que juridiques. « 11 millions de personnes ont voté pour le mouvement que je représente, avait-elle défendu à la barre. Des millions et des millions de Français se verraient privés de leur candidat. » Pointant « les conséquences extrêmement graves » que représenterait une peine d’inéligibilité sur son avenir politique, la fille de Jean-Marie Le Pen a estimé qu’avoir été deux fois au second tour d’une élection présidentielle lui confère un statut particulier : ces candidatures sont d’« une autre nature » que celles à un échelon local.
Les procureurs ont pourtant pris soin de détailler par le menu ce qu’ils reprochent à l’ancienne patronne du parti d’extrême droite. « Nous ne sommes pas ici aujourd’hui en raison d’un acharnement », ni à cause d’une charge du Parlement européen, mais bien « au terme d’une longue information judiciaire », a souligné l’une des représentantes de l’accusation mercredi matin. Avant de poursuivre : « [Entre 2004 et 2016], le parti est dans une situation financière particulièrement tendue. Tout ce qui peut contribuer à l’allègement des charges va être utilisé de manière systématique ». Assise au premier rang, Marine Le Pen faisait des « non » de la tête.
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