Le dilemme de Macron qui se joue derrière les discussions à l’Élysée
POLITIQUE – La croisée des chemins – de crête. Le président de la République reçoit tous les partis représentés à l’Assemblée nationale ce mardi 10 décembre à l’Élysée, à l’exception du Rassemblement national et de la France insoumise. Objectif : discuter d’une « méthode » pour donner au futur gouvernement la stabilité qui a fait défaut à Michel Barnier.
Depuis le vote de la motion de censure, et la chute du locataire de Matignon il y a une semaine, les mouvements sont nombreux dans la classe politique. À gauche, à droite, au centre, le champ lexical du « compromis », pourtant si rare jusqu’ici, s’est installé en signe d’ouverture et de dialogue. Les prémices d’une sortie de crise ?
Pas si vite. Pour le président de la République, de nouveau au centre du jeu, ces consultations prennent la forme d’un dilemme presque impossible. Elles peuvent effectivement lui permettre de donner une bouffée d’air à la future équipe gouvernementale, en la sortant des griffes du RN de Marine Le Pen. Mais à une condition épineuse : revoir son bilan, remettre en question ses dogmes.
Marginaliser le RN…
Emmanuel Macron et ses soutiens ont effectivement une occasion inespérée de marginaliser le Rassemblement national et de réduire à peau de chagrin son pouvoir sur le futur gouvernement. Intéressant, quand on connaît la fiabilité (nulle) du mouvement d’extrême droite, et quand le souvenir de Michel Barnier, contraint, à 73 ans et un solide bagage, d’implorer Marine Le Pen pour qu’elle ne le censure pas, est encore si frais.
Pour s’épargner un acte II de cette tragédie, une seule solution : le président de la République, et le camp qui l’a soutenu à l’Élysée depuis 2017, doivent toper avec la gauche. C’est arithmétique, un alliage qui réunirait écologistes, socialistes, macronistes (et partis satellites) n’aurait même pas besoin de la bénédiction des Républicains pour échapper aux éventuelles motions de censure du Rassemblement national et de la France insoumise. Cela tombe bien, le PS notamment est enclin à discuter.
Dès lors, deux options pour Emmanuel Macron. Il peut tout d’abord nommer la gauche à Matignon (comme elle le réclame) et demander à ses troupes de jouer le rôle d’arbitre qu’il avait laissé au Rassemblement national. Ou, il peut discuter avec les socialistes et écologistes (les deux mouvements les plus enclins à la négociation) de leurs conditions de non-censure d’un futur gouvernement. Lequel serait assis sur la coalition précédente entre LR et le bloc présidentiel. Pas simple, du tout.
Pour cause, si la deuxième hypothèse semble plus probable à l’heure actuelle, le chef de l’État n’ayant jamais réellement envisagé la nomination d’une personnalité NFP, ce dernier va tout de même devoir accepter de lâcher du lest. Dans un cas, comme dans l’autre.
… En détricotant son bilan ?
À l’heure actuelle, difficile effectivement pour les roses ou les Verts de s’entendre avec les troupes présidentielles, qu’ils ont honnies ces dernières années, sans rien en retour. Dans ce contexte, il n’est pas anodin de voir les dirigeants du PS se relayer ce mardi dans les médias pour exiger du président de la République un « changement de cap », ou une « remise en cause de ses dogmes », selon le vocable de Raphaël Glucksmann à la Une de Libération.
Concrètement, les partis favorables à la négociation réclament pêle-mêle, un coup d’accélérateur sur la transition écologique, une nouvelle approche concernant les services publics et, surtout, le scalp de la politique économique macroniste. Cette sacro-sainte stratégie dite de « l’offre » qui vise à épargner les entreprises ou les plus aisés d’impôts pour espérer le « ruissellement » sur le reste de la population et les plus fragiles.
En somme, s’il veut un peu de stabilité pour la future équipe gouvernementale et pour la suite de son mandat, le « maître des horloges » n’a pas d’autre choix que de détricoter une partie de son bilan. Même la réforme des retraites ? La question de son abrogation est aussi centrale que révélatrice. Il s’agit d’une revendication majeure du NFP, les partis de gauche qui s’en réclament ne pourront pas la passer sous silence au moment de s’accorder avec les macronistes. De l’autre côté, elle fait office de ligne rouge, avec un camp présidentiel effrayé de voir la seule réforme du second quinquennat Macron être potentiellement torpillée.
Chaque chemin sera tortueux pour le chef de l’État. Soit il tourne à gauche, et égratigne son bilan et certaines de ses réussites. Soit il reste à droite, et continue de suspendre le gouvernement aux désirs des lepénistes. Pour résumer, soit il remet en cause sa réforme des retraites, soit il promet une nouvelle loi immigration sur les plates-bandes du Rassemblement national. Le « en même temps » n’est plus possible. Sur une ligne de crête, l’indécision peut provoquer la chute.
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