Politique

Retailleau ose une récupération politique sur Mayotte, et provoque un tollé

POLITIQUE – À peu près 24 heures. C’est le temps qu’il aura fallu à Bruno Retailleau, ministre démissionnaire mais chargé de la gestion de crise à Mayotte, pour pousser de nouveau ses obsessions politiques. Arrivé dans l’archipel dimanche 15 décembre au soir pour constater les dégâts colossaux et tenter de mesurer le bilan humain sans doute dramatique après le passage du cyclone Chido sur l’archipel, le locataire de la place Beauvau est reparti le lendemain… en ciblant l’immigration.

L’archipel ne pourra pas être reconstruit « sans traiter la question migratoire », a-t-il ainsi affirmé sur les réseaux sociaux, appelant à « légiférer » sur le sujet. Selon Bruno Retailleau, « l’État est mobilisé depuis la première heure pour secourir les victimes et éviter que d’autres crises n’ajoutent encore au malheur, mais il faut déjà penser au jour d’après ».

Le jour d’après ? Pour l’ancien sénateur de Vendée cela passe donc, en priorité, par un nouveau tour de vis migratoire. Moyen, selon lui, de lutter contre « la dérive que les gouvernements ont laissé s’installer » et dont Mayotte est le « symbole ». « Il faudra légiférer pour qu’à Mayotte, comme partout sur le territoire national, la France reprenne le contrôle de son immigration », écrit encore le ministre de l’Intérieur, en réclamant de la « détermination. »

La gauche choquée, Bayrou fragilisé ?

Une sortie très politique à l’heure où la course contre la montre est déjà lancée à Mayotte pour retrouver des survivants et venir en aide aux milliers de sinistrés. Ceci, alors qu’il est impossible pour l’instant – de l’aveu même de Bruno Retailleau – de dresser le bilan humain du drame, même si les autorités craignent des centaines, voire des milliers de morts. Ce qui en ferait la catastrophe naturelle la plus meurtrière en France ces 100 dernières années.

Dans ce contexte, la déclaration de Bruno Retailleau – qui s’inscrit à rebours de l’attitude adoptée par l’exécutif, et de la volonté d’Emmanuel Macron de décréter une période de deuil national – suscite des réactions outrées. À gauche notamment, le ministre choisi par Michel Barnier et qui se verrait bien prolonger son bail à Beauvau sous François Bayrou, est accusé de « récupération » en pleine tragédie.

« Les Mahoraises et les Mahorais comptent leurs morts, et le ministre de l’Intérieur ne trouve rien de mieux à faire que de sombrer dans la pure ignominie », a par exemple fustigé la présidente du groupe La France insoumise Mathilde Panot sur les réseaux sociaux, à l’unisson de nombreux membres de son camp.

Plus largement, cette répulsion s’exprime au sein de toutes les formations du Nouveau Front populaire. Le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, a ainsi qualifié le ministre « d’obsessionnel indécent et inconséquent » sur le même réseau social, quand sa collègue, l’écologiste Léa Balage El Mariky dénonçait une « indécence sans limite ».

Des réactions outrées qui pourraient avoir des conséquences ? Notamment sur le futur gouvernement ? Ce genre de sortie signée Bruno Retailleau souligne toute la difficulté de la tâche qui revient à François Bayrou. Le Premier ministre doit former une équipe en donnant des gages à la droite, notamment incarnée par le ministre démissionnaire, tout en essayant de ne pas braquer la gauche pour obtenir sa bienveillance et la « non-censure ».

À moins qu’il ne choisisse, comme Michel Barnier, de se mettre dans la main du Rassemblement national. Soulignons, en ce sens, que la déclaration (au moins hâtive) de Bruno Retailleau ne pose guère de problème à cette partie-là du spectre politique.

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