« L’application de la loi » : Retailleau recadré en direct par un magistrat sur l’affaire Doualemn
POLITIQUE – Nul n’est censé ignorer la loi. Pas même le ministre de l’Intérieur. Et encore moins le législateur. Voilà en substance le message que Bruno Retailleau a reçu en direct, sur France Inter, ce mercredi 12 février. L’homme à l’origine de la leçon : un magistrat au tribunal administratif de Melun, courroucé par l’attitude du « premier flic de France » autour de l’affaire des influenceurs algériens.
Pour rappel, la justice a fait le choix d’annuler ce début février l’OQTF (obligation de quitter le territoire français) de l’influenceur « Doualemn », individu que Bruno Retailleau essaie d’expulser depuis plusieurs semaines. Une décision qui a suscité la colère du ministre de l’Intérieur, lequel répète son intention de « revoir le droit » depuis.
Pourtant, la décision du tribunal administratif de Melun est parfaitement fondée, comme le lui a vertement rappelé le magistrat – auditeur ce mercredi matin. Plus délicat encore pour Bruno Retailleau, il en est même (avec d’autres) à l’origine.
« Si cette loi ne vous convenait pas, il ne fallait pas la voter »
« Le jugement de l’annulation de l’OQTF n’est que la stricte application du droit. Le magistrat n’a fait qu’appliquer la loi, toute la loi, rien que la loi », a ainsi rappelé le juriste, en citant « l’article L432-12 du code des étrangers qui dispose que lorsqu’un étranger est titulaire d’une carte de résident et que l’administration lui retire sa carte de résident de 10 ans, à ce moment-là, il ne peut pas faire l’objet d’une OQTF. Il ne peut pas, c’est la loi qui le dit, et pas le magistrat qui l’a décidé dans son coin. »
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Jusqu’ici, tout va (à peu près) bien : Bruno Retailleau estime effectivement que la justice en l’occurrence a appliqué les règles et qu’il est nécessaire en conséquence de les changer. Problème : c’est ce même Bruno Retailleau qui a soutenu, en décembre 2023, une modification législative permettant aujourd’hui la décision du tribunal administratif qu’il dénonce.
« Cette loi a été votée en janvier 2024. L’article L432-12 n’existait pas auparavant, il a été voté en janvier 2024, dans le cadre de la dernière loi immigration, par le groupe LR du Sénat dont monsieur Retailleau était le président », a ainsi expliqué avec « malice », le magistrat au tribunal de Melun, avant d’ajouter : « Si cette loi ne vous convenait pas, il ne fallait pas la voter. Mais maintenant elle est dans l’ordonnancement juridique, le magistrat ne fait que l’appliquer. »
Vérification faite, le ministre de l’Intérieur a effectivement soutenu le texte (comme l’ensemble de son camp) et les dispositions en question, dont la modification de l’article L432-12. Mieux, c’est son groupe politique, par l’intermédiaire des sénateurs Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère, qui est à l’origine de la disposition précise qui empêche aujourd’hui la délivrance d’une OQTF à un individu qui n’a plus sa carte de résident.
« Un déchaînement de haine » contre la justice
L’amendement numéro 636 a été adopté en séance, avec le soutien du gouvernement (donc du ministre de l’Intérieur de l’époque Gérald Darmanin) et de Bruno Retailleau et de son groupe. Ramené à ce vote (qui date de moins de quinze mois), le patron de la Place Beauvau a botté en touche ce mercredi matin, expliquant « ça m’étonne, mais peu importe. »
Par ailleurs, le magistrat qui est intervenu sur France Inter s’est fait l’écho des menaces et intimidations dont le tribunal administratif de Melun fait l’objet depuis sa décision concernant « Doualemn. » « C’est un déchaînement de haine sur les réseaux sociaux de toute la fachosphère. On appelle la présidente (du tribunal) à être pendue haut et court, le vice-président à être décapité… », a-t-il alerté, en martelant : « on en est là juste parce qu’un magistrat a appliqué la loi. »
Preuve de la singularité du moment, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTA) se sont fendus d’un (très rare) communiqué, mardi, pour dénoncer « avec force » des injures et menaces « dirigées nominativement contre » des juges et des avocats. Selon le Conseil d’État, des menaces contre des juges et des personnels de greffe, dont certaines très graves, se multiplient depuis quelque temps.
Fin janvier, le média identitaire Frontières avait de son côté publié sur son site et dans son magazine une « enquête dans les tribunaux », intitulée : « ces avocats militants qui font du business sur les clandestins », mettant aussi en cause, parfois nominativement, des magistrats.
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