Face à François Bayrou, le Parti socialiste invente la motion de suture
POLITIQUE – Le texte s’étale sur trois pages. Et il sera examiné ce mercredi 19 février à l’Assemblée nationale en fin d’après-midi. Et ce, même si cette motion de censure spontanée déposée par le Parti socialiste fera, sauf immense surprise, l’effet d’un coup d’épée dans l’eau. Elle n’a en effet aucune chance d’aboutir en raison du refus du Rassemblement national de faire tomber le gouvernement. Ce qui était, pour beaucoup, couru d’avance.
Et pour une raison simple : tous les socialistes ne voyaient pas cette motion de censure de la même façon. C’est François Hollande qui a vendu la mèche. Selon lui, ce texte vise seulement à « s’opposer » au gouvernement, et non à le renverser. En témoigne, pour le député de Corrèze, l’objet de la motion : le blanchiment par François Bayrou de l’expression « submersion migratoire », chère aux lepénistes. « Le Premier ministre a repris les mots funestes de Jean-Marie Le Pen », déplore le texte, qui qualifie l’extrême droite « d’ennemi mortel de la République ».
Double objectif
Un motif qui rendait, selon lui, cette motion impossible à voter pour le RN. Ce qui a fait bondir le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure. « Je souhaite, comme chaque motion de censure, qu’elle aille à son terme. On verra bien ce qui se passera », avait répliqué le patron des roses, alors que les insoumis instruisaient des procès en trahison, en expliquant que la parade du PS sur cette motion de censure visait (surtout) à se racheter une conscience après le refus de censurer le budget. Là réside tout le paradoxe pour le Parti socialiste : la formule trouvée (dans la douleur) visait un double objectif, éloigné de la véritable censure du gouvernement.
Le premier : considérer ceux qui, en interne, plaidaient pour une censure sur le Budget, que ce soit au nom de l’unité du Nouveau Front populaire ou en raison du contenu « austéritaire » de la copie rendu par François Bayrou. Le deuxième : manifester son appartenance à l’opposition, tout en se montrant « responsable » et attentif aux vœux de stabilité politique s’exprimant dans le pays. Une synthèse chimiquement pure dans la tradition socialiste.
« C’est une façon de montrer que, malgré la non-censure sur le Budget, le PS ne donne pas quitus à François Bayrou et à son gouvernement », résume au HuffPost Gaspard Gantzer, ex-conseiller communication de François Hollande, qui garde une oreille attentive à ce qui se passe à gauche. Autrement dit, ce texte, déposé aux noms des « valeurs » du PS, ne s’adresse pas uniquement à François Bayrou. « Une motion de censure a aussi une dimension symbolique. Elles ont, à un moment donné, la valeur de rappeler ce qui nous oppose », résumait récemment un membre du bureau national du PS, qui jugeait « impossible » que celle-ci se termine par un renversement du gouvernement.
Panser les plaies
Une sorte de motion de suture visant à panser les plaies nées des divergences en interne, voire à cicatriser un Nouveau Front populaire ressorti passablement amoché de la séquence. Ce qui, dans le même temps, vaut pour l’exécutif, puisque la non-censure permet de soulager son calvaire jusqu’au… prochain Budget. Car à l’automne, la marche sera bien plus haute pour François Bayrou.
« Pour le budget 2025, il y avait urgence et une capacité de négociation limitée, car nous prenions le texte en cours de route. Les règles de procédure parlementaire empêchaient tout article additionnel. Pour le budget 2026, nous serons beaucoup plus exigeants », prévient dans L’Opinion le député socialiste Philippe Brun.
« La non-censure n’a valu que pour la première motion. Le gouvernement est sous surveillance », avertissait dans une interview au HuffPost le président du groupe PS, Boris Vallaud. En attendant, et alors qu’un Congrès se profile pour le mois de juin, les socialistes s’affairent à soigner leurs divergences, et à traiter leurs différends avec leurs partenaires de gauche. C’est déjà ça.
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