Si la gauche aime tant le pape François, c’est aussi parce qu’il n’a pas épargné Macron
POLITIQUE – Au nom du pape. Au lendemain de sa mort, le propos et l’héritage du pape François continuent de faire réagir la classe politique française. Tandis qu’à l’extrême droite, l’embarras reste palpable vis-à-vis de ce pontife trop « woke » à leurs yeux, sa disparition est pleurée au-delà du monde chrétien, notamment au sein des responsables de gauche.
« François a pris sa part pour éclairer le chemin commun », écrit par exemple Jean-Luc Mélenchon dans un texte publié sur le site de La Vie. Comme lui, nombreux responsables socialistes, écologistes ou insoumis s’épanchent sur les réseaux sociaux ou dans la presse pour remercier l’Argentin et saluer entre autres l’attention qu’il a porté aux plus démunis au cours de son pontificat. Quitte à oublier ses propos bien plus conservateurs.
Pour la gauche, il s’agit de se rapprocher de cette figure « moderniste », tout en rappelant ses divergences avec « l’ordre établi », en France aussi. Car c’est un fait : Jorge Mario Bergoglio, malgré une relation singulière avec Emmanuel Macron, ne s’est pas toujours montré tendre avec le président de la République. À l’image, en quelque sorte, de la relation complexe de ce pape avec la France.
Quand le pape délivrait ses messages
François et Emmanuel Macron se sont reçus une dizaine de fois en tout. Entre le jésuite sud-Américain et le dirigeant politique amiénois formé dans un lycée jésuite, les échanges ont toujours été cordiaux, presque fraternels. Mais derrière ces images très soignées, leur lien a été émaillé de critiques, parfois d’incompréhension. Le pape ne s’est jamais privé de faire passer ses messages politiques au chef de l’État.
Ceci, dès leur première rencontre en juin 2018. Le « pape des pauvres » offre alors à Emmanuel Macron, le « président des riches », une médaille en bronze de Saint Martin. Une référence à la ville natale du chef de l’État, puisque c’est à Amiens que Saint Martin a découpé son manteau pour en donner une partie à un vieillard nécessiteux. Et le symbole, selon les mots précis du Vatican, des vertus « de charité, de solidarité, d’altruisme, de participation, fondements de la culture de la paix. »
Un cadeau vu par les commentateurs comme une référence claire à la politique sociale et migratoire du chef de l’État, jugée alors peu attentive aux plus précaires. Selon plusieurs médias, le silence de la France, quelques semaines plus tôt, au moment d’accueillir le bateau de réfugiés Aquarius, n’était pas passé inaperçu au Vatican, où François a toujours plaidé pour l’accueil des migrants. Une divergence de vues que le chef de l’Église a fait entendre plus frontalement au fil des années.
Ainsi, quand il se rend à Marseille en septembre 2023, et célèbre une messe géante au Stade Vélodrome, il dénonce « la dictature de l’indifférence » à l’égard des naufrages et des noyés, et multiplie les propos politiques devant le chef de l’État et son ministre de l’Intérieur. Récoltant les louanges de la gauche tricolore.
Relation complexe avec la France ?
Il va par exemple jusqu’à fustiger le modèle « d’assimilation » français, qui « ne tient pas compte des différences, reste rigide dans ses paradigmes », créé « hostilité et intolérance », et compromet « l’avenir en augmentant les distances et en provoquant la ghettoïsation. » Au premier rang, Emmanuel Macron et Gérald Darmanin – qui plaident dans le débat public, pour un nouveau tour de vis à contre « l’immigration incontrôlée » – sont comme sonnés.
Ce n’est pas tout. François a également émis des réserves publiques sur différentes lois, comme l’inscription dans la Constitution de la liberté des femmes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse, ou projets, à l’image de l’aide à mourir, qui ont marqué le débat dans l’Hexagone. Mais le point d’orgue de cette relation ambivalente entre le souverain pontife et le président français aura été sans nul doute son absence à la cérémonie de réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, en décembre 2024.
Invité par Emmanuel Macron, le pape décline et préfère se rendre une semaine plus tard en Corse pour une première historique sur l’île. De quoi provoquer l’incompréhension et certaines critiques à l’Élysée. À cette époque, François Mabille, directeur de l’Observatoire géopolitique du religieux au sein de l’IRIS, explique au HuffPost que l’Argentin « n’est pas dupe de la posture du président » et du « jeu médiatique où Emmanuel Macron fait des démonstrations d’affection prétendue réciproque. Une mise en scène dissociée des réalités politiques. »
De là à déceler une forme de défiance, l’un pour l’autre ? Ou une difficulté particulière de François pour la France ? Les spécialistes du Vatican répondent par la négative, même si le religieux a pris soin d’insister sur la dimension européenne (à Strasbourg), puis méditerranéenne (à Marseille et Ajaccio) de chacune de ses visites sur le sol français. L’illustration du soin qu’il attachait « aux périphéries » et au « devoir de solidarité. » Une attention particulière qui l’a sans doute éloigné naturellement de la France et de son président.
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