Derrière les batailles intestines du PS, l’absence de débat de fond
POLITIQUE – Moribond, le Parti socialiste ? Trois hommes aspirent en tout cas à en prendre la tête. À quelques semaines du 81e congrès, prévu à Nancy du 13 au 15 juin, le dépôt officiel des textes d’orientation vient acter les trois candidatures en lice : le sortant Olivier Faure, son challenger Nicolas Mayer-Rossignol et le président du groupe PS à l’Assemblée Boris Vallaud.
Si les manœuvres, les coups de poker et les ralliements se sont multipliés en coulisses, c’est rarement au profit du débat d’idées. Les principaux points d’achoppement entre les différents courants concernent la question du périmètre de l’union à bâtir.
Dans leur communiqué de presse du 24 avril, les partisans de Nicolas Mayer-Rossignol reviennent en longueur sur leur refus de s’associer de près ou de loin à La France insoumise, rejetant ceux qui « exalteraient le populisme » et « alimenteraient la haine antisémite ». De même, ils se félicitent d’être parvenus à construire « un nouveau rassemblement », autour d’une « équipe renouvelée et expérimentée ». Ils tendent « à nouveau la main » à Boris Vallaud et disent vouloir porter « une clarification de la ligne du Parti socialiste ».
Des mots qui mettent en lumière l’absence cruelle d’idées nouvelles, de propositions, d’apports au débat. Rien sur le travail, l’écologie, l’école, la santé, la sécurité, la culture, les relations internationales… Seulement des mots creux et des formules qui claquent. « Leur seule obsession est de faire tomber Olivier. C’est pour ça qu’ils se sont alliés », moque un membre de l’entourage du Premier secrétaire.
« Le PS n’a pas de projet », reconnaît un cadre du PS proche de Boris Vallaud. Il explique : « Après le congrès de Marseille [en 2023], on a passé deux ans à se demander si on aime bien Jean-Luc Mélenchon ou pas. Pendant ce temps-là, on n’a pas bossé ». Il appelle son parti à « se retrousser sérieusement les manches » et à « arrêter les conneries ».
« Les gens ne savent plus ce que pense le PS »
« On se perd dans des chicayas tellement anecdotiques qu’ils en seraient risibles si la situation nationale et internationale n’était pas aussi grave », acquiesce un député. Un sénateur proche d’Olivier Faure raconte : « À chaque bureau national, nos opposants parlent calendrier, alliances, tactiques… Concentrons-nous sur les Français, la stratégie viendra après ». Il aimerait que des sujets nouveaux, comme le numérique et l’intelligence artificielle, imprègnent le débat politique. Mais regrette : « On est dévitalisé. Aujourd’hui, les gens ne savent plus ce qu’on pense. Toutes nos discussions portent sur la stratégie, mais normalement c’est ce qui arrive à la toute fin ».
Le constat est d’autant plus terrible qu’en face, les Insoumis s’activent sur le fond. Ils ont présenté, en début d’année, une version réactualisée de leur programme l’Avenir en commun, qui comporte plusieurs centaines de mesures, alimentées par des auditions de chercheurs, d’associations, de syndicats… En 2022, si le programme de la Nupes s’était largement inspiré de celui de La France insoumise, c’est aussi parce que les socialistes n’en avaient pas à faire valoir. « Le premier jour, Pierre Jouvet [l’un des négociateurs du PS] est arrivé en nous parlant répartition des circonscriptions. On lui a tout de suite rappelé qu’ici, on discute d’abord du programme », rigole un Insoumis.
Créer une académie pour renforcer le travail de fond ?
D’où l’idée formulée par Boris Vallaud de créer une « académie Léon Blum », qui ferait à la fois office de « véritable centre intellectuel » et « d’école de formation » pour cadres et militants. Une façon de réinjecter du débat de fond dans un parti qui en manque cruellement. « Quelle idée nouvelle a été mise dans le débat public par les socialistes ces dernières années ? Citez-moi en une », interroge un député LFI, conscient des lacunes de son ex-allié.
La confrontation d’idées est tellement absente au PS que certaines figures autrefois alliées à Olivier Faure, ou membres de l’aile gauche, peuvent opérer un sérieux virage à droite sans être questionnées sur le fond. Ainsi de Jérôme Guedj, ex-frondeur du quinquennat Hollande, qui se retrouve dans le même courant que Stéphane Le Foll, alors porte-parole du gouvernement. Ou encore Philippe Brun, chantre autoproclamé des classes populaires qui avait rendu sa carte du PS en 2015, écœuré par la politique économique et sociale de François Hollande. Un congrès du Parti socialiste ne serait rien sans ses mystères et ses intrigues de couloirs.
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