Politique

Bruno Retailleau et sa promesse « d’ordre » rattrapés par le principe de réalité

POLITIQUE – Sur un autre ton. Six mois après sa nomination au ministère de l’Intérieur, Bruno Retailleau semble changer de braquet. Son volontarisme, affiché depuis le premier instant Place Beauvau, se heurte à plusieurs déconvenues politiques et, ces derniers jours, à des faits de violence pour certains dramatiques.

Ainsi, le Vendéen s’est rendu à Nantes jeudi 24 avril quelques heures après qu’un lycéen a tué une de ses camarades et blessé plusieurs autres au sein de son établissement scolaire. Il a promis le renforcement des contrôles et des fouilles aux abords des collèges et lycées, tout en reconnaissant immédiatement que « l’on ne pourra jamais placer un policier ou un gendarme derrière chaque élève ». Le lendemain un fidèle était poignardé à mort une dizaine de fois dans une mosquée du Gard.

En début de semaine, c’est au sujet de la soixantaine d’attaques qui ont visé les prisons et leurs gardiens depuis presque deux semaines, qu’il réclamait une forme d’indulgence. « Je ne suis pas prestidigitateur », a-t-il répliqué sur BFMTV, assurant également ne pas pouvoir « maîtriser une situation en quelques jours », quand Apolline de Malherbe l’interrogeait sur la persistance des faits, nuit après nuit. Des aveux, presque de bon sens. Mais autant de motifs de critiques pour les contempteurs de celui qui a fait du « retour à l’ordre » sa priorité ultime.

Changement « inévitable »

Souvenez-vous, c’était le 23 septembre 2024. En posant ses valises au ministère de l’Intérieur, Bruno Retailleau annonçait vouloir « mener la politique du peuple souverain (…) avec trois priorités. La première, rétablir l’ordre. La deuxième, rétablir l’ordre. La troisième, rétablir d’ordre. » « Il faudra de la persévérance, de la constance, du professionnalisme », affirmait-il, avant d’user du même ton martial sur différents plateaux de télévision. Depuis, les offensives se répètent. Mais les questions de « temps long » sont nouvelles.

Ce changement d’approche est « inévitable », assure au HuffPost un bon connaisseur de la Place Beauvau, « tous ceux qui arrivent au ministère comprennent très vite, quand ils ne l’avaient pas encore fait, que le risque zéro n’existe pas » et qu’un « jour ou l’autre ils seront confrontés à quelque chose, une tragédie, qui ne pourra pas donner de réponse immédiate. » Problème : cette prise de conscience devient risquée pour un ministre qui a fondé sa popularité avant tout sur ses coups de menton, et qui peine à présenter des résultats concrets, notamment à cause d’un contexte politique grippé.

Ainsi, il n’est pas anodin de voir le Rassemblement national redoubler de critiques contre celui qui marche sur leurs plates-bandes depuis sa nomination, en l’accusant d’être « en échec sur tout. » « On ne lui demande pas d’être magicien, mais Bruno Retailleau se retrouve toujours en contradiction avec ses convictions. (…) Il n’obtient aucun arbitrage ni résultat, sur les OQTF, la relation avec l’Algérie et maintenant les prisons », fustigeait par exemple le vice-président du RN Sébastien Chenu, mercredi 23 avril sur BFMTV.

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Vendredi 25 avril sur RTL, il étrillait « la faiblesse » de la réponse du gouvernement qui « ne prend pas à la hauteur le fait de société » que représente, selon lui, l’attaque mortelle au couteau à Nantes. Soit, la même expression que celle utilisée par Bruno Retailleau la veille, mais avec une teinte d’impuissance.

Le « temps long » sur l’immigration

Contrairement au temps de ses embardées, quand il était parlementaire, le Vendéen n’a pas pu aller plus loin que la décision de François Bayrou de convoquer une concertation de quatre semaines avant d’éventuelles annonces. Au risque, pour le ministre volontariste, de prêter le flanc aux critiques en inaction que ses prédécesseurs ont connu, et qu’il a contribué à alimenter.

En réponse à ses détracteurs, Bruno Retailleau avance plusieurs succès depuis son entrée au gouvernement, comme le vote de la loi sur le narcotrafic, ou la réduction de 20 % du nombre de régularisation de personnes sans-papiers grâce notamment à sa nouvelle circulaire pour les préfets. Mais même sur le terrain de la lutte contre l’immigration et sur l’emblématique dossier algérien, le locataire de la Place Beauvau semble enclin à faire évoluer son approche.

Son entourage explique dans L’Obs que le ministre souhaite effectivement être jugé sur le « temps long » quant à l’épineux sujet de la reprise des individus frappés d’une obligation de quitter le territoire (OQTF), et non sur ses résultats immédiats : « Cela prend du temps, ce qui compte désormais, c’est de changer de paradigme et d’ouvrir un nouveau chapitre dans la relation avec Alger. »

Une stratégie qui tranche avec ses anciennes menaces. Quand il promettait au chef du gouvernement François Bayrou de démissionner, si sa ligne dure n’était pas suivie. Depuis, les relations diplomatiques ont repris. Principes de réalité obligent, là aussi.

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