Politique

Pourquoi l’idée de référendum de François Bayrou a tout de l’artifice de communication

POLITIQUE – « Je pense que la question est assez grave, assez lourde de conséquences pour l’avenir de la nation, pour qu’elle s’adresse directement aux citoyens ». Voilà comment, en 26 mots, François Bayrou a glissé dans une interview au JDD ce dimanche 4 mai une idée pour le moins inédite s’agissant des questions budgétaires : l’organisation d’un référendum sur les finances publiques.

Le Premier ministre souhaite soumettre aux Français « un plan d’ensemble » qui « demandera des efforts à chacun » pour réduire les dépenses publiques. Objectif, faire approuver par le peuple un programme d’économies, sécurisant ainsi sa mise en application. Alors, face à l’impasse politique d’un gouvernement sans majorité absolue à l’Assemblée, le Premier ministre a-t-il trouvé avec le référendum la parade pour réduire le déficit en taillant dans les dépenses ? Et, au passage, un joker contre une censure au moment des votes sur le Budget à l’automne ? Rien n’est moins sûr. Car cette hypothèse a de très fortes chances de ne jamais voir le jour.

Obstacles constitutionnels

En cause tout d’abord, le pouvoir de convoquer un référendum. Selon l’article 11 de la Constitution, c’est le président de la République, et non le Premier ministre, qui soumet au référendum un projet de loi. Il reviendrait donc à Emmanuel Macron d’en décider ainsi, ce dont est conscient François Bayrou. « Un référendum ne peut être décidé que par le président de la République. Le gouvernement propose, le président décide. Mais la question de l’adhésion des Français aux réformes est bien la question centrale », a reconnu le chef du gouvernement.

Or, si le chef de l’État songe à l’opportunité d’organiser un référendum d’ici la fin de son deuxième mandat, les questions budgétaires ne figuraient pas parmi les pistes de reflexions éventées dans la presse. Autre obstacle, les règles du référendum, rappelées sur BFMTV par la juriste Anne-Charlène Bezzina. Un tel scrutin ne peut porter en effet que sur les questions sociales, économiques, environnementales ou sur l’organisation des pouvoirs publics. Ce qui, fatalement, réduit le champ des possibles. « On pourrait évidemment considérer que le budget concerne l’économie », souligne la constitutionnaliste, avant de mettre en garde l’exécutif sur la faisabilité d’un référendum sur le budget : « mais on va poser quoi comme question aux Français ? Le référendum, c’est uniquement une question par oui, ou par non ».

Un choix binaire qui s’accommode mal de la complexité des questions budgétaires. D’autant qu’il y a un autre point qui, théoriquement, rend l’idée de François Bayrou infaisable. Et il se trouve à l’article 47 de la Constitution, lequel dispose que « le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique ». Raison pour laquelle députés et sénateurs votent chaque année un Budget. « Donc si on fait voter un élément du budget aux Français, et bien l’année prochaine, il n’aura plus droit de cité », remarque encore Anne-Charlène Bezzina. Interrogé sur franceinfo, le président LFI de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel, observe cette même impasse.

« Ouvrir le débat »

« La normalité dans une démocratie parlementaire, c’est que l’Assemblée nationale vote le budget », souligne le député de Seine-Saint-Denis, qui ne croit pas « du tout » à l’organisation d’un tel référendum. Même Nathalie Loiseau, eurodéputée macroniste, semble douter de la manœuvre. « Est-ce que ce référendum aura lieu ? Je n’en sais rien, mais on ne peut pas continuer à faire comme si on pouvait dépenser autant, avoir un pareil déficit, c’est le gage de l’impuissance publique et du manque d’indépendance de la France », a estimé l’élue Renew sur franceinfo, jugeant que François Bayrou tente à travers cette hypothèse « de surmonter le blocage de l’Assemblée nationale en s’adressant directement aux Français ».

Mais alors, pourquoi évoquer l’idée d’un référendum sans question précise et qui, sur le papier, n’a aucune chance d’aboutir ? Sur le plateau de RTL ce dimanche, la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les Discriminations, Aurore Bergé a, peut-être sans le vouloir, vendu la mèche. Interrogée sur la question à poser aux Français, l’élue des Yvelines a refusé de répondre, affirmant que la vertu de cette annonce était surtout « d’ouvrir le débat » sur les finances publiques. De la communication en bonne et due forme.

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