« Dévotion », courtisanerie, violence verbale… Le système Mélenchon dénoncé dans un livre
LIVRE – De Jean-Luc Mélenchon, on pense tout connaître. Côté pile : d’indéniables talents oratoires, une réelle culture historique et politique, un attachement viscéral à la gauche. Côté face : une capacité à couper les ponts avec d’anciens membres de son cercle proche, une tentation à l’autoritarisme et un goût pour l’esprit de cour.
Ce fonctionnement dual, qui illustre toutes les forces et les faiblesses du fondateur de La France insoumise, est parfaitement décrit dans le livre La Meute (Flammarion), sous la plume des journalistes Charlotte Belaïch et Olivier Pérou. Pendant deux ans, elle travaillant à Libération et lui au Monde, ils ont interrogé ceux qui gravitent autour de l’ancien sénateur socialiste, de ses plus proches amis et conseillers à ceux qui s’en sont peu à peu éloignés.
En ressort le portrait sans concession d’un homme politique, tant adulé que critiqué. Lors de ses déplacements, certains militants LFI l’attendent « comme le messie ». « C’est le soleil, et les gens autour se mettent en orbite. Il n’a pas de rapports humains normaux, il ne discute pas réellement avec les militants, il joue son rôle de symbole », raconte une militante dans le livre, dont les bonnes feuilles ont été publiées dans le Monde avant sa sortie le mercredi 7 mai.
L’ancienne suppléante de Jean-Luc Mélenchon à Marseille, Sophie Camard, reconnaît un aspect « galvanisant » à cet effet de cour. « Il embarque les gens. Ce n’est pas pour rien qu’il est à ce niveau. Ce qui est intéressant dans LFI, ce n’est pas Mélenchon, c’est l’emprise de Mélenchon : il est capable de faire gober aux gens tout et n’importe quoi. Pour certains, c’est côtoyer Dieu le père. Il y a de véritables jeux d’influence pour en être le plus proche ».
Souffler le chaud et le froid
On apprend ainsi que le triple candidat à l’élection présidentielle n’aime rien tant que mettre les gens de son entourage en concurrence, « distribuer les bonnes grâces », en « flatter » certains pour mieux les « ignorer » ensuite. Ainsi d’Alexis Corbière, son ancien fidèle ami, avec qui il a milité pendant plus de trente ans, chevauchant les haies politiques les unes après les autres. « Ils ont été de tous les combats, de toutes les traversées du désert. Combien de soirées le candidat a-t-il passées chez Alexis Corbière et Raquel Garrido, où l’on finit souvent par entonner des chants révolutionnaires ou du Michel Sardou ? », écrivent les deux journalistes.
Apparemment ému de la rupture brutale survenue l’été dernier, Alexis Corbière se confie : « Jean-Luc, c’était mon chef, j’étais un fantassin, un homme de main, appelez ça comme vous voulez. J’étais convaincu que c’était le meilleur. Je l’ai connu intimement, je l’ai vu dans tous les états. Il a des côtés magnifiques et des côtés plus sombres ». Ce long compagnonnage et cette fidélité à longue épreuve se sont achevés par un SMS aussi laconique que brutal, signé Jean-Luc Mélenchon : « Ne m’adresse plus jamais la parole ».
« On ne touche pas à Sophia Chikirou »
Des ruptures, le natif de Tanger en a connu à la pelle au cours de son long chemin politique. De Julien Dray à Marie-Noëlle Lienemman, de François Cocq à Danielle Simonnet. La plus brutale, selon plusieurs témoins cités dans le livre, fut l’éviction de Charlotte Girard. « Une boucherie », rappellent certains. L’universitaire, anciennement chargée du programme au sein de La France insoumise, était pressentie en 2019 pour prendre la tête de liste aux européennes. Proposition lui a été faite, mais face à sa gêne vis-à-vis de Sophia Chikirou, alors visée par une enquête sur les comptes de campagne de Mélenchon, Charlotte Girard a finalement quitté le navire. « En mélenchonie, on ne touche pas à Sophia Chikirou », mentionnent les auteurs.
La députée de Paris, ancienne patronne de la webtélé Le Média, est dépeinte comme tyrannique et peu à l’écoute des états d’âmes de ses camarades. Sur le groupe Telegram des députés LFI au lendemain des élections européennes, elle écrit à l’égard de Clémentine Autain : « Tu n’as pas attendu les résultats pour cracher. Comme d’hab’. Vous faites pitié ». Puis : « Tu te prends pour qui ? » Une violence verbale érigée en règle. Auprès des nouvelles recrues, salariées ou stagiaires, Sophia Chikirou se présente toujours comme « la femme du chef pour mieux imposer son autorité ». « Elle est d’un cynisme incroyable et ne s’en cache pas », assume Frédéric Hocquard, adjoint écologiste à la mairie de Paris.
Au total, Charlotte Belaïch et Olivier Pérou pointent un paradoxe. Comment La France insoumise, qu’ils décrivent comme « verticale et disciplinée », où « la violence verbale, morale et physique » est légitimée et excusée, peut-elle prétendre vouloir construire « une société juste, inclusive et radicalement démocratique » ? Selon eux, « Mélenchon ne demande pas seulement la discipline de groupe et la loyauté absolue, mais la dévotion aveugle ». Il vogue en tout cas vers une quatrième candidature à l’élection présidentielle.
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