Politique

Pourquoi ce sondage choc alimente la guerre des clans au RN

POLITIQUE – La précaution a fait pouffer un familier du Rassemblement national. Dans une story publiée sur Instagram ce lundi 5 mai, la députée RN du Var, Laure Lavalette, a déployé des trésors de prudence pour se féliciter du sondage choc sorti le même jour, mais sans commettre de crime de lèse-majesté.

« Jordan, qui soutient Marine, battrait même Gabriel Attal », commente la porte-parole du groupe RN à l’Assemblée, en publiant un graphe montrant que le président du parti obtiendrait 52 % dans un hypothétique 2e tour face à l’ancien Premier ministre. La précision a son importance, tant l’hypothèse du plan B pour remplacer Marine Le Pen fortement menacée d’inéligibilité provoque des tensions au RN. Tellement d’importance que l’état-major mariniste a contraint l’Ifop à tester la candidature de Marine Le Pen, selon des informations du Monde dont Le HuffPost a eu confirmation.

Il faut dire que le client de cette vaste étude, le think tank fraîchement créé « Hexagone », n’avait pas demandé à l’institut de sondages de tester la présidente du groupe RN, mais uniquement son dauphin, Jordan Bardella. Or, il se trouve que ce laboratoire d’idées est financé par le milliardaire libéral conservateur Pierre-Édouard Stérin. Un homme qui suscite la méfiance au RN, même s’il est de notoriété publique qu’il met une partie de sa fortune au service d’une victoire de l’extrême droite.

« Commande politique »

La raison ? Son penchant pour une économie (très) libérale qui, selon certains, le conduirait à préférer l’offre Jordan Bardella (désireux de se faire bien voir par l’élite économique) à celle incarnée par Marine Le Pen, jugée trop étatiste par ses détracteurs de droite et d’extrême droite. En réalité, le milliardaire, qui évalue tout dans son tableau Excel, a gratifié les deux chefs du RN de la même note (7/10), avait révélé Le Nouvel Obs…

Reste que certains, à l’image du très mariniste Jean-Philippe Tanguy, y voient une tentative de déstabilisation visant à alimenter une fronde pro-Bardella. Dans un message envoyé dans une boucle interne, et dont Le HuffPost a obtenu copie, le député RN de la Somme (connu pour ses positions souverainistes) tire à boulets rouges contre cette « commande politique ».

« Le but est évidemment de créer des polémiques pour nous affaiblir alors que le vrai enseignement de ces sondages est que le RN est en mesure de remporter une victoire éclatante », dénonce l’élu RN, pointant de « viles manœuvres » ayant conduit l’état-major mariniste à intervenir du think tank en question pour qu’il ajoute Marine Le Pen à la liste des noms testés par l’Ifop. Ce qui a retardé la date de publication de l’étude, initialement prévue pour le 1er mai.

La persistance du tabou

Problème qualitatif : l’ajout tardif de la députée du Pas-de-Calais n’a pas pu se faire sur le même échantillon. « Nous avons rendu les résultats, puis, le 28 avril, il y a eu une demande d’Hexagone pour faire un complément d’enquête avec Marine Le Pen. Compte tenu du délai, on ne pouvait pas faire plus que 2 000 personnes », justifie auprès du Monde Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop.

Quoi qu’il en soit, Jean-Philippe Tanguy n’a pas gardé ses critiques pour lui. « Je ne laisserai pas [faire] un certain nombre de lobbys, de personnes qui n’ont pas intérêt, pour leurs sales affaires, à ce que Marine Le Pen remette de l’ordre en France et défende enfin nos compatriotes », a-t-il grondé sur CNews dès lundi, s’interrogeant par ailleurs sur le timing de cette étude. Réalisée du 11 au 18 avril (soit dans la foulée de la condamnation de Marine Le Pen), elle a été rendue publique près d’un mois plus tard. De quoi alimenter les soupçons parmi les proches de la cheffe de file du RN.

« Ces gens sont soi-disant là pour nous aider et passent une commande pour affaiblir Marine lors du 1er-Mai. Leur but, c’est de poignarder Marine Le Pen, puis d’affaiblir Jordan Bardella, pour propulser Retailleau », suspecte Jean-Philippe Tanguy, également cité par Le Monde. Un épisode qui a l’intérêt de révéler la persistance du tabou concernant l’hypothèse Bardella et la détermination de l’état-major mariniste à faire vivre la candidature de Marine Le Pen, pourtant conditionnée à la clémence (loin d’être acquise) du procès en appel prévu pour l’été 2026.

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