Derrière le démenti, la stratégie « offensive » de l’Élysée face aux déluges de fake news
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POLITIQUE – Dimanche 11 mai 2025. Sur les réseaux sociaux, des gens jugent plausible que des chefs d’État et de gouvernement se déplaçant vers une zone de guerre puissent partager de la drogue dure sous l’œil de la presse internationale. Dit autrement, qu’Emmanuel Macron et ses partenaires européens ont été pris la main dans le sac de cocaïne alors qu’ils se rendaient à Kiev pour y tenir sommet aux côtés de Volodymyr Zelensky.
Absurde, l’intox n’en est pas moins devenue virale. Selon une estimation faite par Le HuffPost, appuyée par l’outil Visibrain (plateforme de veille médiatique), la séquence a fait l’objet de plus de 200 000 messages publiés sur le réseau social X, où certaines vidéos dépassent désormais le million de vues. La fake news s’est également propagée sur Instagram et TikTok, en reprenant les codes de vidéos d’actualité, agrémentées de sous-titres et de commentaires.
L’ampleur de la calomnie est telle que l’Élysée a décidé de démentir officiellement. Il faut dire que les vagues se succèdent : RRN, Invisible Ink, Portal Kombata, Doppelgänger… depuis 2022, les entreprises de désinformation russes déferlent, avec souvent la France en ligne de mire. Montage photo, vidéo ou fausse nouvelle, ces opérations de déstabilisation couvrent tout le spectre du partage d’informations, de YouTube à ChatGPT en passant, bien sûr, par X ou Facebook.
« Manipulation massive »
Depuis quelques semaines, la communication élyséenne prend donc les devants pour réfuter tout ce qui fait le miel de la guerre informationnelle menée par la Russie. Fin avril, le palais présidentiel contestait avec force l’intox circulant sur ces mêmes réseaux sociaux, et repris avec gourmandise par les antennes du groupe Bolloré. Cette fois, il était question d’une imaginaire mise au ban du chef de l’État par Donald Trump et Volodymyr Zelensky.
À chaque fois, le même ballet se répète, comme l’analysait en plusieurs exemples concrets la société de cybersécurité Newsguard au mois d’avril. L’une des fausses informations étudiées était la vidéo d’un militant antillais contre le Sida, révélant la liaison qu’aurait eue Emmanuel Macron avec son frère. En quelques heures, le témoignage posté sur YouTube était repris par des sites d’actualité africains. Les articles de ces sites ont été ensuite partagés par des utilisateurs sur X, avant que les médias pro-Kremlin relaient ces messages sur leurs plateformes respectives.
« Il vaut mieux qu’une fake news se propage avec un démenti sur le dos plutôt que sans. » Entourage d’Emmanuel Macron au HuffPost
Dans le cas du président et de son mouchoir, des comptes affiliés à la propagande russe publient la fausse information (comme la chaîne Telegram officielle de Maria Zakharova, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe) à l’aide d’une vidéo à la qualité volontairement dégradée. Elle est rapidement reprise par les médias officiels russes, comme la chaîne RT France, et par la complosphère francophone.
Certaines personnalités s’affirmant comme souverainistes, comme le frexiter Florian Philippot et l’ancien député et candidat à la présidentielle Nicolas Dupont-Aignan, s’en sont également fait les relais. Ce dimanche encore, l’Élysée a fustigé ces « ennemis de l’intérieur », agissant pour le compte d’une puissance étrangère ouvertement hostile à la France. Autour du chef de l’État, cette stratégie de riposte, décrite volontiers comme « offensive » est désormais parfaitement assumée.
Ce qui constitue une forme de rupture avec la communication politique classique craignant « l’effet Streisand », ce phénomène médiatique qui amplifie l’écho de l’information que l’on souhaite combattre. « On considère que l’effet Streisand n’existe plus à l’heure où les réseaux sociaux sont utilisés et déformés par des puissances étrangères », confie au HuffPost l’entourage d’Emmanuel Macron, pointant la « manipulation massive » observée ce week-end au sujet de la dernière attaque informationnelle.
Une guerre prise au sérieux
Dit autrement, l’intox touche tellement d’internautes que la position habituelle, consistant à mépriser toutes les accusations infamantes circulant sur le chef de l’État, ne tient plus. Signe de ce raidissement : fin avril, l’Élysée accusait officiellement, pour la toute première fois, le Kremlin de cibler la France avec des cyberattaques.
« Il vaut mieux qu’une fake news se propage avec un démenti sur le dos plutôt que sans », poursuit l’équipe du président de la République, qui identifie une « augmentation de l’agressivité russe dans la guerre informationnelle ». Car oui, derrière le vocable diplomatique « puissances étrangères », c’est bien Moscou qui est dans le viseur. Et ce ne sont pas les indices flagrants laissés par certains de ses relais, comme cette notification renvoyant vers l’ambassade de Russie en France sur l’une des vidéos circulant sur les réseaux, qui feront disparaître les accusations.
Cette « guerre informationnelle » n’est pas prise à la légère. Car la Russie y consacre énormément de moyens. « La France, qui est la seule force nucléaire de l’Union européenne, est devenue une cible majeure. C’est nouveau, depuis qu’Emmanuel Macron a changé sa politique de conciliation avec Poutine en 2022 », expliquait à franceinfo Kevin Limonier, maître de conférences à l’Institut français de géopolitique. Ce que confirme au HuffPost une source au sein de l’exécutif, précisant que la France « est le deuxième pays le plus visé par la Russie sur la guerre informationnelle, après les États-Unis ».
Mais alors, quel intérêt pour le Kremlin de consacrer autant de temps, d’argent et d’énergie à saper le débat public hexagonal ? « Ces campagnes font baisser la garde des populations qu’elles visent. Le but est d’y introduire des biais cognitifs, qui participeront à dénigrer leurs responsables politiques, via le ricanement voire le soupçon systématique », souligne l’Élysée, estimant que l’altération de la qualité du débat public a pour but, ultime, de fragiliser la démocratie.
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