Politique

Pourquoi l’idée d’une primaire pour 2027 lancée par François Ruffin est mal partie

POLITIQUE – Sans doute faut-il laisser l’idée infuser, et il y a encore le temps pour qu’elle voie le jour, mais la proposition faite par François Ruffin dans les colonnes de Libération ce mardi 20 mai n’a pas provoqué l’effet escompté. Le député de la Somme a planté dans le décor l’organisation d’une primaire, condition nécessaire pour que la gauche gagne en 2027 selon lui.

Mais depuis la publication de l’interview, en une du quotidien, aucun chef de parti de gauche ne s’est exprimé. Ni Olivier Faure, en plein congrès pour sa réélection à la tête du Parti socialiste, ni Marine Tondelier, pourtant favorable à une candidature commune à la prochaine élection présidentielle, n’ont jugé bon d’appuyer l’initiative du Picard. Silence radio, aussi, du côté du PCF et (moins surprenant) de La France insoumise.

Seule une poignée de figures déjà connues pour leur positionnement unioniste s’est fait entendre. « Il faut une candidature commune du NFP pour la prochaine présidentielle. Merci François Ruffin de pousser en ce sens », a expliqué Alexis Corbière, quand Clémentine Autain s’est dit elle aussi « favorable » à l’organisation d’un dispositif tel que proposé par l’ancien reporter. Des déclarations convenues, qui n’ont rien de surprenantes, mais qui surtout ne font pas avancer le schmilblick.

Car dans l’esprit de François Ruffin, il faut rassembler la gauche « de Philippe Poutou à François Hollande ». Soit un spectre très large, qui couvre toute la gauche, et qui fait fi des (nombreuses) différences programmatiques et stratégiques existant entre l’ancien Président de la République et le porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste. D’ailleurs, les deux hommes n’ont montré pour le moment aucun signe d’intérêt pour une éventuelle primaire.

Sans Glucksmann et sans Mélenchon

Autre problème : le député de la Somme est pris en tenaille, sur sa droite et sur sa gauche, par deux refus d’obstacle. Ni Raphaël Glucksmann ni Jean-Luc Mélenchon n’entendent se soumettre à une primaire. Le premier ne s’est pas exprimé publiquement ces dernières heures, mais a envoyé son bras droit Saïd Benmouffok tirer à boulets rouges sur l’idée. « Par le passé ça a plus été un échec qu’autre chose », relève-t-il dans Libé, oubliant un peu vite la primaire socialiste de 2011 qui a permis à François Hollande de l’emporter un an plus tard. « La grosse difficulté, c’est que ça incite à surjouer les désaccords ce qui affaiblit collectivement », juge-t-il.

À l’entendre, une primaire « correspond mal à l’esprit de l’élection présidentielle qui vise à porter une candidature qui s’impose ». On comprend aisément que l’ancien essayiste devenu député européen n’y participera pas, si elle devait voir le jour, par crainte de devoir soutenir un candidat qui ne lui plairait pas.

Et sans le PCF ?

L’argument est le même du côté de La France insoumise. Jean-Luc Mélenchon assurait en 2023 qu’une primaire donne « la primeur à ceux qui clivent le moins ». Sous-entendu : pas lui. Il n’a rien dit ces dernières heures, mais en vieux routier de la politique, l’ancien député des Bouches-du-Rhône a eu quelques occasions de dire tout le mal qu’il pensait des primaires : à l’approche de chaque scrutin présidentiel, la même question revient. « Le système des primaires est une machine à se donner des claques. Elle égotise, pipolise, nivelle et divise la gauche au profit d’un glissement centriste », exprimait-il en 2009 dans son livre L’autre gauche. Sept ans plus tard : « La primaire, c’est la fin de la politique comme art de proposer une idée nouvelle ou choquante, la fin de l’espoir de construire une opinion progressiste ».

Même au PCF, où la pression pour l’unité monte d’un cran, la direction ne semble pas vouloir d’une primaire… ou du moins pas dans les mêmes termes que Ruffin. Léon Deffontaines, proche parmi les proches de Fabien Roussel, estime qu’il y a « trop de différences » entre son parti et Raphaël Glucksmann pour qu’ils soient embarqués sous les mêmes couleurs.

L’inconnue du congrès du PS

Résumons : une primaire qui ne réunit ni Jean-Luc Mélenchon (donné entre 14 et 15 % dans les intentions de vote), ni Raphaël Glucksmann (autour de 10 %) ne pourrait voir le jour. Sur un espace politique assez restreint donc, et avec des personnalités déjà convaincues des bienfaits de l’union. Quoi qu’il en soit, François Ruffin (qui juge que c’est aux électeurs de gauche dans leur ensemble de trancher avant le premier les orientations programmatiques et stratégiques) donne rendez-vous dans un an. Au printemps 2026, après les élections municipales, il propose aux différents candidats de sortir du bois, pour un scrutin qui pourrait être organisé en septembre. Il reste donc quelques mois à la gauche pour s’approprier l’idée. Reste encore une inconnue : l’identité du prochain Premier secrétaire du PS.

Si Olivier Faure est reconduit, l’union de la gauche non-mélenchoniste a de beaux jours devant elle. Mais dans l’hypothèse où son adversaire Nicolas Mayer-Rossignol est élu, l’avenir est beaucoup plus incertain. À peine formulée, la grande primaire de la gauche a déjà (un peu) de plomb dans l’aile.

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