Le réalisateur de ce film à Cannes espère « ne pas être arrêté » en rentrant en Iran
CINÉMA – La dernière fois qu’il est revenu du Festival de Cannes, les autorités lui ont confisqué son passeport. Qu’en sera-t-il cette fois ? Le cinéaste iranien Saeed Roustaee, qui vient de présenter son dernier long-métrage en compétition pour la Palme d’or Woman and Child, s’interroge.
« J’espère que je pourrai rentrer en toute sécurité. Je ne sais pas si je serai arrêté, mais j’espère bien que non », a déclaré ce vendredi 23 mai le réalisateur de 35 ans, connu notamment pour son film La Loi de Téhéran, César du meilleur film étranger en 2019.
Sa dernière visite sur la Croisette remonte à 2022. À cette époque il était venu défendre Leïla et ses frères, un drame sur une famille au bord de l’implosion. Parce qu’il n’avait pas obtenu l’accord du régime islamique pour s’y rendre, Saeed Roustaee avait été condamné en 2023 à six mois de prison, et à une interdiction de voyager, ainsi que de tourner pendant cinq ans.
Son nouveau film autorisé par le régime
Cette dernière peine a finalement été diminuée, comme en témoigne la sortie de son nouveau film. Celui-ci a été réalisé avec les autorisations requises par les autorités de son pays, et dans le respect des lois en vigueur, notamment le port obligatoire du hidjab chez les femmes. Il a en outre été autorisé à venir en personne au festival.
Des éléments qui ont suscité la controverse dans la communauté du cinéma iranien, au sein de laquelle bien des films sont tournés clandestinement pour contourner les règles du pouvoir, comme cela a été le cas pour Les graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof, ovationné à Cannes l’an dernier.
Alors que le producteur de Woman and Child, Jamal Sadatian, est accusé d’être un relais du pouvoir en raison de ses anciennes fonctions auprès d’Ali Akbar Hachemi Rafsandjani avant que celui-ci ne devienne président, le film a par ailleurs bénéficié d’un très gros budget.
« Le Festival de Cannes normalise l’image officielle que veut imposer la République islamique, comme les femmes voilées, même à l’intérieur des maisons. C’est une trahison pour ceux qui se battent pour un cinéma libre », déplore le réalisateur Ali Ahmadzadeh (Critical Zone), que Le Monde a interrogé.
Saeed Roustaee se défend
Saeed Roustaee se défend, lui, de tout copinage avec le régime. « J’ai 35 ans. Je vis en Iran depuis 35 ans. Je connais bien le cinéma iranien. Et je suis le résultat de ce cinéma social qui existe depuis 45 ans. Je marche dans les pas d’autres cinéastes iraniens. C’est une tradition dont j’ai hérité », a-t-il affirmé lors de cette même conférence de presse.
Avant d’ajouter : « Je ne sais pas dans quelle mesure je me livre à l’autocensure, mais je réalise mes films en Iran et j’aimerais que les Iraniens puissent aller voir mes films dans les salles de cinéma en Iran. Il ne fait donc aucun doute que je fais attention à certaines choses pour m’assurer que mon film sortira. »
Woman and Child est son quatrième long-métrage. Il raconte l’histoire d’une mère célibataire de deux enfants du nom de Mahnaz, qui, à l’approche de son mariage avec son petit ami, fait face à un tragique accident. Elle va chercher à obtenir réparation. Plaidoyer contre l’oppression masculine, il a reçu un accueil mitigé sur la Croisette, et n’a pas encore de date de sortie en France.