Le premier juge de France répond à ceux qui dénoncent un « gouvernement des juges »
POLITIQUE – À droite et à l’extrême droite, c’est une rengaine. Des « juges rouges », « trop laxistes », appliqueraient des « décisions politiques ». Pas assez sévères avec certains – le cas des comparutions immédiates qui ont suivi les violences le soir de la victoire du PSG en Ligue des champions l’illustre -, trop sévères avec d’autres. Ce qui est de nature à « inquiéter » le Conseil supérieur de la magistrature et à « préoccuper » le premier juge de France, Christophe Soulard.
« Il y a incontestablement un populisme anti-judiciaire qui consiste à laisser penser que les juges auraient pris le pouvoir, qu’ils empêcheraient le législateur d’adopter les lois qu’il veut, qu’ils empêcheraient le gouvernement de gouverner », assure-t-il dans une interview accordée à Mediapart ce samedi 7 juin.
À entendre le premier président de la Cour de cassation, il y a un aspect nouveau à ce « populisme anti-judiciaire » qui a toujours existé. Désormais, pointe-t-il, il est aussi porté par « des personnes qui occupaient ou qui occupent encore des positions institutionnelles relativement importantes, des hommes et des femmes politiques de premier plan ». Christophe Soulard ne les mentionne pas explicitement, mais impossible de ne pas penser à Marine Le Pen et Jordan Bardella qui, après la condamnation de 24 membres de l’ex-FN le 31 mars, n’ont pas hésité à fustiger une « tyrannie des juges » et « une négation de l’État de droit ». Certains médias d’extrême droite s’en étaient alors pris nommément à la présidente du tribunal correctionnel, Bénédicte de Perthuis.
Mais au-delà du RN, ces critiques virulentes de la justice se sont répandues sur un champ plus large, allant jusqu’à faire dire à Gérald Darmanin, pourtant Garde des sceaux, son « impression d’indulgence laxiste » le 4 juin. « Il y a eu une époque où cela était réservé à certains courants un peu marginaux, un peu à part. Aujourd’hui, le champ des personnes capables de tenir ce discours populiste s’est véritablement élargi », observe Christophe Soulard. Rappelant que le juge ne fait « qu’appliquer la loi », l’ancien président de chambre à la Cour de cassation explique qu’il « reste dans son registre » et « ne s’oppose en rien à la souveraineté populaire puisqu’il applique des lois qui sont, par définition, issues de la souveraineté populaire ».
Le « gouvernement des juges », expression maintes fois reprise à l’extrême droite, « n’a aucune raison, aucune d’assise. Elle ne correspond ni à notre ordre institutionnel ni à aucune espèce de réalité », démonte Christophe Soulard. Il reconnaît que par manque de communication et par impossibilité de répliquer, la justice pêche parfois sur l’explication de son fonctionnement. « Vous verrez que, de plus en plus, les magistrats, essaieront de communiquer, assure-t-il. Il faut pouvoir expliquer nos décisions, mettre en évidence que celles-ci sont le résultat d’un processus très rigoureux, dans lequel les juges ont entendu de manière contradictoire tous les points de vue ».