Comment le meurtre de Nogent fait planter le logiciel de tous les politiques
POLITIQUE – Sans réponse. Après l’émoi et la sidération, le meurtre d’une assistante d’éducation à Nogent, en Haute-Marne, poignardée par un collégien devant son établissement scolaire laisse les responsables politiques désemparés. Leurs propositions semblent tomber dans le vide, face à des faits et un profil qui échappent à tous les logiciels idéologiques.
Depuis mardi, nombreux sont ceux qui, jusqu’au plus haut sommet de l’État, lancent des idées ou promettent une riposte rapide. Objectif : éviter la réitération de ce genre de drame, et endiguer leur recrudescence. C’est un fait, si la délinquance baisse globalement chez les mineurs, les actes de grande violence commis par des jeunes augmentent fortement depuis une dizaine d’années au moins.
Alors que faire ? Le meurtre commis à Nogent, mardi, à ceci de singulier qu’il ne répond à aucune des solutions brandies habituellement par les responsables publics. Il semble au contraire exiger une réflexion plus globale, et profonde, pour sortir des réflexes inopérants qui renforcent au final un sentiment d’impuissance.
Pas de mesure miracle
Ici, aucune question ou récupération identitaire, en vogue à droite et à l’extrême droite après chaque drame à retentissement national, n’est possible. Les pistes sécuritaires quant à elles, semblent mener vers une impasse. « Il y avait des gendarmes (devant le collège à Nogent). S’il y avait eu dix, vingt gendarmes de plus, cela n’aurait rien empêché », a reconnu en ce sens, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, quelques heures après les faits.
Ainsi, l’expérimentation des portiques de sécurité devant les établissements scolaires, une idée prisée de longue date par la droite et reprise par François Bayrou le soir même du drame, est battue en brèche, même au sein du gouvernement. En l’espèce, ces dispositifs n’auraient ne semble-t-il pas changé les choses, si l’on se réfère au récit du procureur de la République de Chaumont, mercredi après-midi. Même chose pour l’autre proposition phare de l’exécutif : l’interdiction de la vente de couteaux aux mineurs.
Les limites de cette mesure annoncée par le Premier ministre et le président de la République mardi soir, sont là aussi mises en exergue par le déroulé des faits. L’adolescent, qui a reconnu son crime, s’est procuré l’arme dans la cuisine familiale après avoir imaginé son passage à l’acte plusieurs jours durant, toujours selon le même récit.
De fait, le profil singulier de ce garçon, sans histoire jusqu’à son passage à l’acte insensé, ne rentre dans aucune grille de lecture préétablie. Pointer du doigt la responsabilité des parents ? « Sa famille est unie et insérée professionnellement, aucun membre ne présente d’antécédents judiciaires », a expliqué le procureur de la République. La justice, et son prétendu laxisme ? Il n’avait jamais eu affaire au monde judiciaire. Les jeux vidéo ? « Il jouait, mais sans être addict selon ses termes et ceux de ses parents ». Quid des réseaux sociaux pointés par plusieurs élus ? « Il les utilisait peu », a admis le magistrat.
« Perte de repère quant à la valeur de la vie humaine »
Lors de sa garde à vue, il n’a manifesté « aucun signe évoquant un possible trouble mental », mais « une certaine fascination pour la violence et la mort », et une « perte de repère quant à la valeur de la vie humaine, à laquelle il ne semble pas attacher d’importance particulière », toujours selon le récit glaçant du procureur.
Dès lors, face à ce drame, et à la vague d’émotion considérable qu’il a provoqué, la plupart des responsables politiques conviennent qu’aucune réponse, seule, n’est suffisante. Même l’interdiction des réseaux sociaux pour les moins de 15 ans, mesure poussée notamment par Emmanuel Macron, paraît dérisoire vis-à-vis de ce cas précis. C’est pourquoi de nombreux spécialistes ou syndicats plaident pour un travail global, notamment sur la jeunesse dans la société, la place des écrans, ou la prévention à la violence.
En conseil des ministres, ce jeudi, le président de la République Emmanuel Macron a évoqué la « désinhibition de la violence » contre « la valeur de la vie », « pour laquelle il va falloir évidemment apporter des solutions », selon les mots de la porte-parole du gouvernement Sophie Primas.
Avant le chef de l’État, la ministre de l’Éducation nationale avait déjà annoncé son intention de travailler sur la santé mentale des jeunes, en déshérence depuis des années, pour améliorer notamment la détection du mal-être des collégiens et lycéens. « L’usage excessif des écrans et des réseaux sociaux qui peuvent conduire à des comportements violents et déréalisés », est aussi un enjeu majeur, toujours selon Élisabeth Borne. Parmi de nombreux autres qui, pour l’heure, échappent aux solutions immédiates (et souvent réductrices) formulées au sein de la classe politique.