Les 5 travaux d’Olivier Faure à la tête du Parti socialiste
POLITIQUE – Nancy sera-t-elle la ville du renouveau ? Après un congrès de Marseille éprouvant et peu productif il y a deux ans, militants et cadres socialistes espèrent trouver en la préfecture de Meurthe-et-Moselle un lieu propice au débat apaisé.
Les sujets ne manquent pas : orientation politique, travail programmatique, rapport aux autres partis de gauche, préparation des futures échéances électorales… et intronisation d’Olivier Faure, Premier secrétaire ré-ré-réélu à l’issue d’une campagne interne atone.
Depuis 2018, le député de Seine-et-Marne s’échigne à redresser un parti affaibli par le quinquennat de François Hollande. N’est-ce pas sous son impulsion que le groupe à l’Assemblée est passé de 28 à 66 députés ? À l’ouverture d’un congrès sous haute tension ce vendredi 13 juin, les défis demeurent nombreux.
· Apaiser les tensions
Le premier d’entre eux va consister à ressouder un parti fracturé. Sa victoire, Olivier Faure l’a décrochée sur le fil, réunissant 50,9 % des voix. En face, ses opposants ne lui ont fait aucun cadeau et ont tout mis en œuvre pour obtenir sa tête. Jusqu’à se coaliser au sein d’un improbable étiage, qui réunissait d’ex-frondeurs, d’anciens soutiens de François Hollande, des tenants d’une ligne populaire (comme Philippe Brun), des sociaux-libéraux… Ce front anti-Faure a capté près de la moitié des votes des militants.
Les cris d’orfraie et les menaces d’excommunication ont aussi fusé pendant la campagne. Carole Delga avait promis que si Olivier Faure était reconduit, elle n’hésiterait pas à claquer la porte du PS. Si elle ne l’a finalement pas fait, cet épisode raconte la montée de tension au sein d’un parti habitué aux violents règlements de compte. La présidente de la région Occitanie séchera d’ailleurs le congrès de Nancy.
La tâche d’Olivier Faure va maintenant consister à faire travailler ensemble des gens qui se sont éloignés (tant idéologiquement que stratégiquement) au gré des guerres de clans et des batailles de chapelle. Sur la question de la censure, rien n’indique qu’un consensus clair existe pour maintenir François Bayrou en poste.
· Travailler sur le fond
C’est l’un des plus grands reproches faits au Parti socialiste : son manque de travail sur le fond. Sur des sujets aussi structurants que les retraites, le numérique, la sécurité ou l’écologie, beaucoup de socialistes regrettent qu’il n’y ait pas de position arrêtée. « Le PS n’a pas de projet », reconnaissait auprès du HuffPost un cadre du parti proche de Boris Vallaud cet hiver. Il expliquait : « Après le congrès de Marseille, on a passé deux ans à se demander si on aime bien Jean-Luc Mélenchon ou pas. Pendant ce temps-là, on n’a pas bossé ».
Pendant la campagne, Nicolas Mayer-Rossignol a lui aussi tiré ce fil-là pour attaquer Olivier Faure. « En 2022, le PS n’était pas prêt pour l’élection présidentielle et ça s’est vu. L’est-il plus aujourd’hui ? Non. Nous n’avons pas de programme abouti. En sept ans, cela aurait dû être fait », exprimait le maire de Rouen dans une interview à Libération le 4 juin. Pour le politologue Rémi Lefebvre, interrogé sur France Inter, cette absence de réflexion et de mise d’idées nouvelles dans le débat public est le signe d’un parti faible, tourné vers lui-même.
· Gérer les partenaires de gauche
À gauche, de nombreuses figures attachées à l’union espéraient qu’Olivier Faure l’emporte. La condition, estimaient-ils, pour qu’une candidature commune puisse émerger en 2027. Marine Tondelier, Fabien Roussel, François Ruffin… Tous ont félicité le Premier secrétaire du PS pour sa réélection. Chez les insoumis, c’est plus compliqué. Ni son, ni lumière. Un cadre LFI confiait au HuffPost il y a quelques semaines : « Je regarde ce congrès comme une série, avec du pop-corn ». Avant d’expliquer : « Olivier Faure a renié sa parole, son engagement, il a rompu la confiance qui aurait pu s’installer ». La non-censure de François Bayrou pèse lourd dans la balance.
Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol ont tous les deux fait campagne sur une rupture avec Jean-Luc Mélenchon. Le premier a redit ce 12 juin sur RTL « qu’il n’y aura d’accord national ni aux municipales ni à la présidentielle avec les Insoumis ». Il prend toutefois soin d’éviter d’évoquer les législatives, seules vraies élections auxquelles la Nupes puis le NFP étaient destinés. D’autant que ces jours-ci, Emmanuel Macron retrouve son pouvoir de dissolution de l’Assemblée nationale. Tôt ou tard, la question des alliances sera amenée à se poser de nouveau.
· Préparer les municipales
Les élections municipales, prévues en mars 2026, seront un vrai révélateur pour le PS. Olivier Faure a un double objectif : conserver le maximum de mairies et en conquérir de nouvelles. Les socialistes dirigent actuellement des grandes villes comme Paris, Lille, Montpellier, Rennes, Nantes ou Le Mans. Les perdre serait un très mauvais signal à un an de la présidentielle. D’autant que l’ancrage local et la capacité à émailler tout le territoire a longtemps fait la marque de fabrique du Parti socialiste.
Mais ils devront composer avec des insoumis galvanisés par leurs résultats dans les centres-villes et les quartiers populaires, qui lorgnent avec insistance sur des mairies PS. Olivier Faure réussira-t-il à contenir l’appétit des mélenchonistes, au risque de se faire manger tout cru ?
· Solder l’incarnation pour 2027
L’élection présidentielle est déjà dans toutes les têtes. Après avoir été éliminée dès le premier tour en 2017 et en 2022, la gauche cherche la martingale pour ne plus jouer, la prochaine fois, un rôle de figurant. Au milieu des appels incessants à l’union, le Premier secrétaire du PS opte, lui, pour une candidature commune qui irait « de Glucksmann à Ruffin ». Sans trancher la méthode pour y arriver.
« Nous devons parvenir à un processus de désignation commun », défendait-il dans La Tribune dimanche le 8 juin, évoquant du bout des lèvres la « possibilité » d’une primaire. Pour partir préparé à cette élection majeure, Olivier Faure le sait : il faut une incarnation et un projet. Ce dont manque actuellement le PS.