Un an après les législatives, le RN toujours empoisonné par ses « brebis galeuses »
POLITIQUE – Un parti normal ? Toujours pas. Malgré le souhait de Marine Le Pen, qui œuvre depuis plus d’une décennie pour la dédiabolisation de la formation politique héritée de son père, le Rassemblement national (ex-Front national) continue de faire parler de lui pour ses « brebis galeuses » au CV et au passé souvent peu recommandable.
L’an dernier, de nombreux candidats aux élections législatives se sont distingués par leur passé problématique : ici une femme qui avait posé avec une casquette de l’armée nazie, là une nostalgique du maréchal Pétain, ailleurs une défenseuse du suprémacisme blanc. Et souvent des tweets ou des retweets de messages racistes, homophobes, antisémites, sexistes… Pire : le média en ligne Les Jours a révélé dans plusieurs articles l’appartenance de certains députés RN à des groupes Facebook au contenu violent.
Ainsi, une page sobrement intitulée « Jordan Bardella », du nom du président du parti d’extrême droite, réunit 84 000 membres parmi lesquels seize députés RN ou apparentés. Quatre d’entre eux figuraient d’ailleurs, jusque très récemment, dans la liste des administrateurs, c’est-à-dire qu’ils avaient la main sur le groupe et pouvaient décider d’en interdire l’accès à certains ou d’en exclure d’autres.
Rien que du 1er au 8 juin, Les Jours ont relevé près d’une centaine de commentaires racistes et « d’appels à la haine et au meurtre, souvent d’une violence inouïe, rédigés par des adhérents, sympathisants et militants du RN ». On pouvait notamment y lire des remarques aussi insultantes que « sales arabes » ou « fini à l’urine », Gabriel Attal y était traité de « salope », Emmanuel Macron de « petit PD » et Rachida Dati renvoyée à « ses gènes ». Et pour couronner le tout, de multiples remarques antisémites. Autant de contenus qui n’ont été ni modérés ni signalés à la plateforme, et qui contreviennent à la stratégie d’un parti prétendument normalisé.
Christiane Taubira et Danièle Obono, cibles privilégiées
Cette semaine, Mediapart révélait aussi que l’ancienne chargée des relations avec la presse de Marine Le Pen, Caroline Parmentier, avait multiplié les écrits racistes et antisémites pendant des années, du temps où elle était rédactrice au sein de la feuille de chou Présent, sans que cela n’empêche son investiture aux législatives dans le Pas-de-Calais. L’actuelle députée RN écrivait tout le mal qu’elle pensait du « lobby juif », rendait l’homosexualité responsable du sida, n’hésitait pas à célébrer Pétain, qualifiait Simone Veil de « grosse » et fustigeait les « supporters babouins » dans les stades. Des propos qu’elle ne renie pas aujourd’hui, mais pour lesquels elle refuse de présenter des excuses.
Sans parler du groupe épinglé en décembre 2024 par Les Jours, auquel participaient notamment les députés Philippe Ballard, Alexandre Sabatou, Alexandre Loubet ou Claire Marais-Beuil. Même procédé, même contenu haineux : l’ancienne ministre de la Justice Christiane Taubira et la députée LFI Danièle Obono en étaient des cibles privilégiées, injuriées par paquets de « négresse », de « singe » ou de « bonobo ».
Face à ces nombreux dérapages, qui ne concernent pas un ou deux militants égarés mais bien un contingent important d’élus de premier plan, la direction du RN préfère faire l’autruche. En juillet 2024, le patron du parti Jordan Bardella arguait de raisons techniques et humaines : « en 48 heures, nous avons dû investir 577 candidats sur toute la France. 99,9 % d’entre eux sont des personnalités que nous connaissons, respectables, respectées ». Le député européen parlait alors de « quelques brebis galeuses » et refusait de faire le lien avec le RN, son programme, son histoire et ses idées.
Les députés se font remonter les bretelles sur WhatsApp
Mais en interne, les lignes semblent avoir bougé. Le problème, jusque-là traité façon poussière cachée sous le tapis s’est imposé comme une question majeure. Le secrétaire général du groupe RN à l’Assemblée, Renaud Labaye, a ainsi fait savoir ce mardi 17 juin qu’il avait demandé à ses députés de quitter l’ensemble des groupes Facebook problématiques auxquels ils appartiennent. D’après une information de franceinfo, confirmée par l’AFP, il a « une nouvelle fois envoyé un message à cet effet la semaine dernière (du 9 au 15 juin, NDLR) dans la boucle WhatsApp des députés RN ».
Quand le député de La France insoumise Thomas Portes avait annoncé, début juin, avoir effectué un signalement au nom de l’article 40 auprès de la procureure de la République de Paris, le vice-président du RN Sébastien Chenu s’était empressé de minimiser la portée de l’affaire. « Nos députés, sur lesquels on n’a en plus aucun doute, vont quitter ou ont quitté déjà ce groupe », avait-il promis. Une déclaration qui n’est a priori pas arrivée jusqu’aux oreilles des élus concernés, puisque quinze jours plus tard, les responsables du groupe à l’Assemblée ont (encore) dû battre le rappel.