L’opération pour changer de couleur d’yeux est dangereuse, alerte l’Académie de médecine
OPHTALMOLOGIE – Une jeune femme aux yeux noisette qui, en un clin d’œil, dévoile des yeux d’un bleu polaire. Pour une fois, ce tour de passe-passe n’est pas dû à l’intelligence artificielle, ni même à des lentilles de contact. Si la jeune femme a pu changer la couleur de ses iris, c’est grâce à une opération de chirurgie esthétique.
Appelée kérato-pigmentation, cette intervention consiste à modifier la couleur des yeux de manière définitive en injectant des pigments dans l’épaisseur de la cornée. Devenue très populaire ces dernières années sous l’influence des réseaux sociaux, elle n’est pourtant pas sans danger, rappelle l’Académie nationale de médecine.
Dans un communiqué dévoilé mercredi 18 juin, la société savante médicale alerte sur « les possibles conséquences négatives, à court, moyen, mais aussi long terme » de l’opération et ce, « compte tenu du recul limité » des médecins.
Perte de transparence de la cornée et cécité
Car la kérato-pigmentation est réalisée grâce à la technique FLAAK, qui date d’il y a à peine une dizaine d’années. Et ses résultats, permanents, sont loin d’être optimaux. Dans son communiqué, l’Académie de médecine pointe ses « faiblesses esthétiques », en particulier son « rendu trop uniforme de la couleur obtenue » et la couleur peu naturelle en raison de la « persistance de la teinte initiale de l’œil autour de la cornée ».
Surtout, au-delà de son aspect esthétique, la kérato-pigmentation peut s’avérer dangereuse. Les experts pointent ainsi le risque de kératite infectieuse mais aussi, « comme après tout chirurgie cornéenne, un risque de sécheresse oculaire et d’éblouissement après l’intervention ». Les séquelles peuvent aussi apparaître dans le temps, comme la perte de transparence de la cornée. Le diamètre fixe de la pupille peut aussi compliquer certains examens ophtalmologiques ultérieurs tandis que la présence de composés métalliques dans certains pigments peut exposer à un risque lors de la réalisation d’une IRM.
Dans une interview accordée à Konbini, le Dr Ygal Boujnah, ophtalmologue à Lyon, évoque même des cas de cécité après la réalisation d’une kérato-pigmentation.
Face à ces risques, l’Académie de médecine insiste sur la nécessité de mieux avertir les patients des conséquences éventuelles sur leur santé oculaire et des risques qu’ils encourent en réalisant cette technique à visée purement esthétique.
Des procédures encore moins sûres à l’étranger
Si la procédure peut être réalisée en France pour environ 7 000 euros, nombreux sont les patients à se tourner vers l’étranger, où les prix sont plus attractifs. C’est un risque supplémentaire qu’ils prennent, insiste l’Académie de médecine, car ils sont « sans garantie des compétences des praticiens » et ont donc « une possibilité accrue de complications ».
Enfin le collège d’experts tient à souligner « le contraste entre l’essor de cette pratique et les difficultés imposées aux personnes résidant en France pour obtenir un rendez-vous de consultation standard en ophtalmologie ». Selon une étude menée en 2018 par l’Association des Optométristes de France, un nouveau patient doit attendre près de 3 mois pour obtenir un rendez-vous auprès d’un ophtalmologiste.