Pourquoi Macron n’arrive pas à trouver un rôle sur le Moyen-Orient
POLITIQUE – Comment se faire entendre dans le fracas des bombes ? Depuis le début de la guerre entre Israël et l’Iran sur fond de menace nucléaire, Emmanuel Macron et la diplomatie française peinent à sortir du rôle de simple spectateur qui sied mal au chef de l’État, d’ordinaire très volontaire sur la scène internationale.
Le président de la République se rend en Norvège ce lundi 23 juin, avant de participer en milieu de semaine au sommet annuel de l’Otan aux Pays-Bas, puis à un conseil européen jeudi à Bruxelles. Il doit revenir à Paris mardi matin pour le quatrième conseil de défense organisé depuis le début de l’opération militaire lancée par Israël il y a maintenant dix jours.
Objectif de cette nouvelle réunion ? « Évaluer » le chemin parcouru vers « la recherche d’une voie diplomatique » permettant la fin de la guerre et le « contrôle du programme nucléaire et balistique » du régime de Téhéran. Une stratégie martelée par Emmanuel Macron, qui souhaitait « accélérer les négociations » samedi encore, quelques heures seulement avant les frappes américaines sur l’Iran. Le symbole d’une certaine impuissance.
Trump tance une Europe qui « ne peut pas aider »
De fait, le président français, et les Européens avec lui, n’ont pas voix au chapitre depuis le début des opérations décidées par Benyamin Netanyahou, avec la bénédiction des États-Unis. Au contraire, Donald Trump, dont l’administration est traversée par une défiance (au moins) à l’égard du Vieux continent, semble prendre un certain plaisir à marginaliser ou décrédibiliser leurs initiatives.
Après avoir quitté le G7 au Canada de manière spectaculaire, expliqué qu’Emmanuel Macron ne « comprenait jamais rien », notamment sur le Moyen-Orient, le président américain a indiqué samedi que l’Europe « ne pouvait pas aider » sur ce théâtre. Quelques instants plus tôt, les ministres des Affaires étrangères français, allemand, britannique, ainsi que la haute représentante de l’Union européenne, Kaja Kallas essayaient de relancer les discussions avec le chef de la diplomatie iranienne à Genève. Raté.
« Quand l’Europe parle, c’est comme quand le Guatemala parle. » Le géopolitologue Bertrand Badie auteur de L’Art de la paix.
Depuis cette réunion, les frappes américaines sur plusieurs sites iraniens, celui de Fordo notamment, sont venues annihiler l’initiative annoncée par le chef de l’État français le 18 juin, à l’issue d’un premier conseil de défense. Comme un camouflet pour la diplomatie, et le Vieux continent ?
Pour Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po, les Européens ont perdu « les trois ingrédients » nécessaires à la réussite d’un message diplomatique, « la crédibilité, l’efficacité, et la confiance. » Résultat : « Quand l’Europe parle, c’est comme quand le Guatemala parle », résume le spécialiste des relations internationales, auteur de L’Art de la paix, « l’Europe est un souvenir, on considère que c’est de l’histoire, de la géographie, mais pas de la géopolitique. »
L’action de Macron se concentre sur les ressortissants
« Ils ne sont pas crédibles car leurs diplomaties sont divisées », explique-t-il, entre l’Allemagne qui se réjouit par exemple ouvertement des frappes américaines et la France qui s’en inquiète. « L’efficacité diplomatique, c’est se rendre incontournable, indispensable. Ce que n’est pas la diplomatie européenne au Moyen-Orient, elle n’a plus de présence, elle est divisée, elle n’a pas de canal d’échange privilégié… », poursuit Bertrand Badie, en pointant une sorte de spécificité française pour la troisième clef, la confiance.
« Il n’y a plus de confiance. Il fut un temps où la diplomatie française était identifiée dans le monde à travers ce qu’on a appelé “la politique arabe de la France”, qui pouvait agacer mais se révélait utile à tout le monde. Elle n’existe plus depuis la fin du mandat de Jacques Chirac », souligne l’universitaire, en pointant également les « zigzags d’Emmanuel Macron » comme responsables de l’affaiblissement de la voix française sur ce théâtre. « Sa posture de soutien inconditionnel, le 13 juin, jour des premiers bombardements a évolué », relève-t-il.
Dans ce contexte, les rares décisions probantes du président de la République et du quai d’Orsay se bornent donc à des enjeux périphériques. Ou qui ne concernent pas, en tout cas, les opérations en Iran ou la fin des bombardements de part et d’autre. Paris n’a d’ailleurs pas été sollicité pour participer à la défense d’Israël depuis les bases militaires françaises aux Émirats arabes unis ou en Jordanie. Ainsi, les conseils de sécurité et de défense à l’Élysée se concentrent, au-delà des appels (vains pour l’instant) à la négociation, au rapatriement des Français présents sur place. Dimanche soir, 160 Français sont arrivés à l’aéroport d’Orly depuis la Jordanie.
Pour le reste, Emmanuel Macron semble condamné à rester dans le rôle de figurant, et à essuyer les critiques de ses opposants. Éric Ciotti dénonce par un exemple un « gouvernement munichois » qui « préfère discuter avec le président iranien plutôt que soutenir Israël et les États-Unis. » De l’autre côté du spectre politique, Jean-Luc Mélenchon l’exhorte au contraire à ne pas « s’aligner sur le duo mortel », arrêter de « jouer petit bras », et à « porter le drapeau de la paix et du droit international. »