Culture

On ne s’attendait pas à rire devant ce film sur Gaza, et ça fait du bien

CINÉMA – L’histoire commence par des falafels et du tramadol. Ça paraît drôle, et ça l’est. Pourtant, on ne s’attendait pas à rire en ce moment devant un film qui se déroule en Palestine. Once upon a time in Gaza, sorti au cinéma ce mercredi 25 juin, nous a surpris par son humour décalé au milieu des bombes.

Car cette comédie noire n’a rien d’un documentaire et rappelle que la bande de Gaza n’est pas que le décor de la guerre meurtrière menée par Israël. Tout comme avec leur précédent long-métrage Gaza mon amour, les frères Arab et Tarzan Nasser revendiquent le droit de briller par la fiction, même si l’actualité reste toujours présente en toile de fond.

Et ils ont fait briller la Palestine jusque sur la Croisette. Once upon a time in Gaza a été présenté au Festival de Cannes en mai dernier, où il a reçu le Prix de la mise en scène dans la sélection Un certain regard.

Pour leur troisième long-métrage, les cinéastes palestiniens ont choisi de parler d’amitié, de drogue, de vengeance et de cinéma. Des thèmes très hollywoodiens mais façon « Gazawood ». Les deux héros du film forment un duo aux antipodes. Osama (Majd Eid) est un vieux de la vieille, dealer de drogues bourru et vendeur de sandwiches à ses heures perdues. Il a pris sous son aile Yahya (Nader Abd Alhay), un jeune étudiant paumé qui prépare les sandwiches, en y cachant de la drogue sous les falafels selon les commandes.

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Il était une fois à Gaza

Leur petit trafic fonctionne sans trop d’accrocs, jusqu’au jour où un flic corrompu décide de s’en mêler. Osama reste impassible à ses menaces, façon western à l’américaine, à grand renfort de regards en chien de faïence. Jusqu’à ce qu’une scène aussi inattendue que réjouissante, dans laquelle il livre ses meilleurs pas de danse, finisse en bain de sang. Voilà Yahya orphelin de son ami et guide, seul avec ses falafels et sa peine.

Le film fait un bond de deux ans et change presque complètement de direction. Fini la drogue dans les pains pitas, Yahya se fait embaucher pour jouer le rôle principal dans « le premier film d’action à Gaza », réalisé par le ministère de la Culture. Once upon a time in Gaza rejoint la longue liste des films « meta », qui filment les coulisses du cinéma, comme Once upon a time in Hollywood bien sûr, dont le titre est inspiré, ou encore Ça tourne à Séoul ! Cobweb.

Sauf que le tournage de ce film de propagande est une catastrophe. Yahya ne sait pas jouer, des soldats palestiniens doivent incarner des soldats israéliens à leur grand regret, les figurants ne comprennent pas qu’il s’agit de fiction. Cerise sur le gâteau, il n’y a pas de budget pour des accessoires, donc les acteurs tournent avec de vraies armes (chargées).

Une décennie de guerre à Gaza

Ce film dans le film donne lieu à des scènes absurdes et comiques, et on se marre de bon cœur entre des moments beaucoup moins réjouissants, faisant évidemment écho à l’actualité. Le film commence en 2007, avant la destruction récente et massive de la bande de Gaza. Mais déjà à l’époque, les Gazaouis vivaient assiégés par le blocus imposé par Israël, suite aux élections législatives dont le Hamas est sorti majoritaire.

À la télévision, nos héros suivent l’avancée des plans de construction d’un mur entourant la bande de Gaza. Ils font face aux mêmes problèmes que les Palestiniens aujourd’hui : bombardements réguliers, pénurie de gaz, impossibilité de se rendre en Cisjordanie voir leur famille… Preuve qu’en près de dix ans, la situation n’a fait qu’empirer.

Même le vrai tournage incarne la destruction progressive de la ville : Once upon a time in Gaza a été filmé en Jordanie, à une centaine de kilomètres de la bande de Gaza, où les frères Nasser sont réfugiés depuis 2012. Malgré leur attachement pour leur région d’origine, ils ont été contraints de tourner à distance pour leur propre sécurité. Mais avec l’espoir, un jour, de pouvoir y retourner.

Invités en France sur la Croisette, les cinéastes palestiniens n’ont d’ailleurs pas parlé du passé, mais bien de l’avenir : « plus tard, le génocide prendra fin, un jour il prendra fin. Et les récits que l’on entendra seront une honte pour l’humanité », a lancé l’un des jumeaux au Festival de Cannes. Ces histoires-là n’ont malheureusement rien de drôle, ni de fictionnel.