Avec leur rentrée politique, les écolos au défi de régler le casse-tête des municipales
POLITIQUE – Marine Tondelier est « concentrée » et « déterminée ». Après un été marqué par des records de chaleur, un épisode de sécheresse hors-norme et des incendies dévastateurs dans le sud de la France, la secrétaire nationale des Écologistes aborde la rentrée avec une combativité revendiquée ; elle affirme se ranger du côté des « tenaces ».
Jusqu’au 23 août, Marine Tondelier est la cheffe d’orchestre des fameuses Journées d’été qui ont lieu cette année à Strasbourg. Au programme : débats, ateliers, conférences… Et moments de fête. Le dernier soir, un grand karaoké est notamment prévu. Soit le décorum habituel de ces rendez-vous qui rythment la vie militante. Mais avant de pouvoir se casser la voix sur Daniel Balavoine, il faudra commencer à se pencher sur un dossier urgent aux airs de patate chaude : les élections municipales. Prévu dans sept mois, le scrutin s’avère périlleux pour la gauche dans son ensemble, et les écologistes en particulier, qui avaient accompli un exploit en 2020.
Il y a cinq ans, à la surprise générale, Strasbourg, Bordeaux, Lyon, Poitiers et Tours basculaient dans le giron de l’écologie. L’an prochain, le défi sera de taille : conserver ces grandes villes et afficher de nouvelles conquêtes. « Notre objectif est de conquérir un maximum de nouvelles villes, de toutes tailles, et dans tout type de territoires », détaille Marine Tondelier dans Libération ce mercredi 20 août. Pour cela, des accords au cas par cas ont déjà commencé à être discutés, voire noués, entre partenaires de gauche.
C’est là que commencent les ennuis. Dans un contexte de guerre de tranchées entre le Parti socialiste et La France insoumise, le rôle de médiateur souvent dévolu aux écologistes se révèle ardu. « Ce sont nos groupes locaux qui décident [du périmètre de l’union] pour leur commune », rappelle Marine Tondelier, comme pour s’exonérer de toute responsabilité face à d’éventuelles fâcheries. Dans les villes qu’ils dirigent, la question du leadership ne se pose pas. Mais ailleurs ? La patronne du parti juge « logique » et « évident » que « les gens qui ont travaillé ensemble pendant tout un mandat, repartent [ensemble] quand ça s’est bien passé ».
Préparation de l’élection présidentielle
Or dans bien des endroits, les Verts semblent contraints de choisir entre socialistes et insoumis. À Montpellier par exemple, les militants ont décidé de présenter une liste contre le maire PS sortant Michaël Delafosse, en s’alliant aux Insoumis. La porte-parole locale, Julia Mignacca, estimant que « Montpellier vit sous l’emprise d’un PS tiède et autoritaire », et qu’il est donc « temps de tourner la page ».
Voilà le dilemme pour les écolos : se rapprocher de La France insoumise, quitte à se fâcher avec les socialistes ? Ou poursuivre une longue tradition de liste commune avec le PS, au risque de tourner le dos aux troupes de Jean-Luc Mélenchon ? À un an de l’élection présidentielle, l’équation pourrait bien tourner au casse-tête.
Une union dès le premier tour à Paris ?
À Paris, un récent sondage a montré que David Belliard, le candidat écolo, était le mieux placé à gauche pour l’emporter. Il propose donc une déclinaison locale du NFP, pour que toutes les forces de gauche soient représentées dans sa future majorité. Mais le socialiste Emmanuel Grégoire refuse catégoriquement de s’associer aux insoumis. Dès lors, David Belliard va-t-il tourner le dos aux mélenchonistes au premier tour pour maintenir l’alliance avec les socialistes ? S’il croit toujours l’union de toute la gauche possible (« Il n’y a pas de projet irréconciliable »), il rencontrera les socialistes et les communistes pour un échange à la rentrée. Sans LFI.
« Il n’y a pas lieu de donner plus d’importance que nécessaire à cette rencontre qui réunit la majorité sortante, tente-t-on de minimiser dans son entourage. C’est le type de rencontre le plus commun qui soit. Tous ces gens se connaissent très bien et ne cessent de se voir et de se parler ». Si David Belliard espère toujours pouvoir former une liste d’union dès le premier tour, son objectif est surtout d’éviter la dispersion au second. « C’est le projet d’Emmanuel Grégoire. Nous ne nous associons pas à ce destin funeste », souffle un proche. Le risque étant de voir Rachida Dati s’emparer de la mairie de la première ville de France.
Sac de nœuds
Reste la question du projet. Les Verts sont persuadés d’être au point d’équilibre de la gauche, les mieux à même de mettre en place localement la transition écologique. « Des grandes villes aux plus petits villages, les élus écologistes démontrent chaque jour que l’écologie au pouvoir local, ça marche, qu’elle protège face aux crises et qu’elle résiste aux reculs démocratiques et sociaux, environnementaux », fanfaronne la direction du parti.
C’est oublier un peu vite les polémiques collectionnées depuis 2020 par les maires écolos, entre suppression de sapins de Noël et coup de sang contre le Tour de France, en passant par des controverses qui touchent au cœur des principes chers à la formation de Marine Tondelier. À l’image de la garde à vue dont le maire de Lyon, Grégory Doucet, a fait l’objet, sur fond de soupçons de détournement de fonds publics.
Autant d’angles d’attaque offerts aux adversaires des Verts qui rêvent de prendre leur revanche, sur fond de backlash écologique. Les Journées d’été qui s’étalent sur trois jours seront en tout cas le lieu idoine pour se projeter sur cette échéance stratégique, dont les résultats pèseront lourd dans les négociations en vue de la présidentielle 2027. Et peut-être commencer à résoudre ce qui ressemble fort à un sac de nœuds.



