Woody Allen, cancel culture… Ce film avec Julia Roberts sur #MeToo fait grincer des dents
CINÉMA – La 82e édition de la Mostra de Venise ne débute pas sous les meilleurs auspices pour le réalisateur de Queer et Call me by your name. Luca Guadagnino a dévoilé sur le Lido son nouveau long-métrage qui a pour thème une affaire d’agression sexuelle. Entouré des stars du film parmi lesquelles Julia Roberts, le cinéaste italien a dû répondre à de nombreuses questions concernant notamment un hommage à Woody Allen.
Lors de la conférence de presse décrite comme « très agitée » par nos confrères de la presse spécialisée qui y ont assisté comme Variety, le réalisateur a confirmé que le générique de début était bien un clin d’œil à Woody Allen : « La réponse un peu grossière que je pourrais vous donner est ’’Oui, et pourquoi pas ?’’ ». Il a ensuite élaboré sur cette décision de faire clairement référence au réalisateur accusé de viol par sa fille adoptive Dylan Farrow.
« J’ai grandi avec un format, qui est devenu un classique. Quand j’ai commencé à penser à mon film avec mes collaborateurs, nous avions toujours en tête les films Crimes et délits ou Hannah et ses sœurs », a avancé Luca Guadagnino. Avant de préciser : « J’ai déjà joué avec cette esthétique auparavant, et j’ai trouvé que c’était une manière intéressante de penser à un artiste qui a été, dans un certain sens, face à des problèmes suite à ses agissements. Et de réfléchir à notre responsabilité quand on évoque justement un artiste qu’on aime comme Woody Allen. » Jetant ce faisant un pavé dans la mare.
Ce choix assumé a effectivement fait grincer des dents une bonne partie des spectateurs qui ont assisté à la projection le jeudi 28 août au soir. Tout autant que la manière de traiter le thème central du film. After the Hunt suit le destin d’Alma, professeure d’Université émérite qui travaille à Yale. Lorsque sa protégée Maggie (Ayo Edebiri) vient la voir pour lui confier avoir été victime d’une agression sexuelle, son monde s’écroule. Car celui qu’elle accuse n’est autre que son ami de longue date Henrik (Andrew Garfield). Ne sachant qui croire, Alma va de plus voir une affaire enfouie dans son propre passé émerger.
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Un film anti cancel culture ?
Le film a laissé sceptiques nombre de spectateurs. Comme cela a été évoqué lors de la conférence de presse, certains estiment que la manière d’aborder de front le sujet du mouvement #MeToo et du féminisme laisse à désirer. Le film remettrait notamment en question l’importance de croire en priorité la parole des victimes. Là-dessus aussi, Luca Guadagnino a trouvé à répondre : « Il s’agit de regarder les personnages à travers leur vérité. Pas de dire qu’une de ces vérités est plus importante qu’une autre. C’est d’observer la confrontation de ces vérités, quelles sont les limites de ces vérités entre elles. Il ne s’agit pas d’un manifeste qui incite à mettre en lumière de vieilles valeurs dépassées. »
Une volonté artistique qu’a confirmé la scénariste du film Nora Garrett affirmant qu’After The Hunt n’était pas un film engagé destiné à contrer la « cancel culture » en mettant en scène ses failles. « Imaginer que nous avons évolué vers une autre forme de féminisme sape ce qui est en réalité en train d’advenir, et la réalité de ce que veut dire vivre ensemble dans notre société. Ce film met en scène du vrai et du réel », a expliqué la scénariste.
Julia Roberts hausse le ton
L’actrice principale du film a également été interrogée durant cette conférence de presse. Et elle a défendu le parti pris du réalisateur sans mâcher ses mots. « Je n’ai pas envie d’être désagréable, ce n’est pas dans ma nature (…). On ne fait pas de déclaration, on fait le portrait de personnages à un instant T », a affirmé Julia Roberts. « Ce n’est pas juste histoire de remuer ce sujet des femmes qui sont montées les unes contre les autres, ou qui ne se soutiennent pas », a précisé l’actrice américaine.
La comédienne de 57 ans a poursuivi son argumentation, mentionnant une société « qui a perdu l’art de la conversation », sans cependant remettre en cause l’importance du mouvement #MeToo, ni fustiger la cancel culture qui en a découlé. « Je ne sais pas si ce film va créer une controverse, mais vous évoquez que vous avez discuté entre vous tous, journalistes, en sortant de la salle. Et c’est ça qu’on veut, a-t-elle affirmé. Être enthousiasmés ou indignés, ça vous regarde. Mais si ce film vous fait prendre conscience de choses auxquelles vous croyez au plus profond de vous, heureusement, c’est ce qu’on pouvait faire de mieux. Et de rien. »
Pour détendre l’atmosphère d’une conférence de presse sous tension, Julia Roberts a conclu sa réponse par une plaisanterie « J’adore ces questions légères et faciles dès le matin. » After the Hunt était présenté hors compétition à la Mostra de Venise. On ignore encore quand il sortira dans les salles obscures. Sur son affiche on peut lire les mots : « Tout n’est pas supposé vous mettre à l’aise ». Fort à propos.



