Face à l’impasse qui se profile, comment les partis se préparent à la dissolution
POLITIQUE – Le dernier clou sur le cercueil a été planté par Olivier Faure. « Si rien ne change, il y aura une censure et vraisemblablement une dissolution », a-t-il alerté ce lundi 29 septembre sur BFMTV. Le Premier secrétaire du PS n’a pas digéré l’interview accordée par Sébastien Lecornu au Parisien quelques jours plus tôt. Le Premier ministre, qui se montre toujours flou sur les grandes orientations budgétaires, a fait savoir qu’il ne voulait ni de la taxe Zucman ni d’un retour de l’ISF. Pour les socialistes, cela vaut censure.
Beaucoup estiment que si le gouvernement (pas encore formé) de Sébastien Lecornu est renversé, la dissolution de l’Assemblée nationale sera inéluctable. Imagine-t-on Emmanuel Macron nommer un quatrième Premier ministre issu de son camp, et ainsi prendre le risque de fragiliser la stabilité économique et politique du pays ? Jusqu’au sein de son camp, la dissolution est vue comme inévitable. « Il ne faut pas écarter cette hypothèse », avait posé Gérald Darmanin fin août, quand l’ex-Premier ministre Édouard Philippe l’a jugée « assez inéluctable » après la chute de François Bayrou.
En conséquence, les formations politiques s’y préparent et refusent d’être prises de court par des élections législatives anticipées, qui pourraient avoir lieu trois semaines après l’annonce de la dissolution, comme en juin 2024. Pierre Jouvet, bras droit d’Olivier Faure au sein du PS, a récemment annoncé la mise en place de la commission électorale du parti. Objectif : éplucher les circonscriptions les unes après les autres et ainsi identifier les meilleures candidatures. Un « plan dissolution » est même échafaudé en coulisses. « C’est un travail qui va permettre d’aller chercher une majorité absolue en cas de dissolution, en regardant circonscription par circonscription pour comprendre où les choses ont échoué et pourquoi », affiche Pierre Jouvet auprès du Monde.
Les cadres socialistes répètent, à longueur de plateaux télé, qu’ils n’ont « pas peur » d’une éventuelle dissolution. Mais ne tranchent pas l’épineuse question de l’union, sachant pertinemment qu’une bonne part de leurs députés doivent leur élection à la Nupes puis au NFP. « Aujourd’hui, on se pose la question de manière principielle, idéologique, mais ce débat, on ne pourra l’avoir qu’au pied du mur », concède le député PS Laurent Baumel dans Mediapart.
Les Verts demandent des discussions à gauche
À la tête de sa petite boutique Place Publique (qui n’a fait élire qu’un député en 2024), Raphaël Glucksmann se prépare lui aussi activement à une dissolution. « Je ne revivrai pas un nouveau 9 juin 2024 », prévient l’eurodéputé dans la Tribune dimanche du 28 septembre. Ce soir-là, alors qu’il venait de se hisser à la troisième place des élections européennes, il avait très mal vécu les tractations qui s’étaient enclenchées entre « gros » appareils politiques de gauche, dont il était exclu. « Je prendrai la tête du combat des législatives, sur notre ligne, sans compromission », explique-t-il aujourd’hui, assurant que « cela se fera sans LFI ».
La France insoumise appelle à une démission, voire une destitution, du Président de la République mais ne souhaite pas une dissolution de l’Assemblée, qui pourrait faire fondre son nombre de députés, compte tenu des incertitudes autour de la mise en place d’une union à gauche. Même si, publiquement, ses leaders affirment le contraire, en invoquant l’esprit de juin 2024. « Face aux magouilles, nous proposons à ceux qui sont restés fidèles au vote des électeurs de faire l’unité populaire », expliquait récemment Jean-Luc Mélenchon au Parisien.
Les Écologistes, eux, ont pris les devants. Ils entendent rouvrir la boîte des négociations avec leurs partenaires du NFP. « Si une dissolution devait survenir à plus ou moins brève échéance, nous souhaitons qu’une discussion s’engage avec toutes les forces de gauche et écologistes », écrivent-ils dans un communiqué. « Les Écologistes n’ont pas peur de la dissolution, affirmait aussi la patronne du parti, Marine Tondelier, dans une interview au HuffPost début septembre. Nos équipes sont prêtes : nous ne craignons pas le vote des Français ».
Une dissolution fatale pour le « socle commun » ?
Côté Rassemblement national, l’optimisme est de mise. Le parti d’extrême droite sait qu’il a tout à gagner en cas de nouvelles élections législatives, convaincu qu’il est passé tout près de la majorité l’an dernier. « Pour sortir de cette impasse politique, il n’y a qu’une seule possibilité, c’est d’en revenir aux urnes. Il faut une dissolution de l’Assemblée nationale », plaide Jordan Bardella. Le secrétaire général du groupe RN à l’Assemblée Renaud Labaye affirme dans les Échos que « la dernière fois, on a fait 11 millions de voix. Le potentiel électoral est là », annonce-t-il, misant sur l’absence d’unité à gauche et de barrage républicain au second tour.
Preuve de la détermination lepéniste, le RN fait appel, depuis cet été, à une entreprise privée pour passer au peigne fin les profils numériques de ses futurs candidats. En 2024, la campagne avait été marquée par des révélations sur le passé problématique de nombreuses têtes d’affiche, aux propos parfois racistes, antisémites ou homophobes. Avec ses quinze députés, l’UDR, le parti d’Éric Ciotti allié du RN, pourrait décider cette fois de présenter plus de candidats.
Quant aux partis du « socle commun », beaucoup savent qu’une dissolution pourrait leur être fatale. D’abord parce que les divisions sont chaque jour un peu plus visibles entre partenaires, dans un contexte où l’élection présidentielle prévue dans un an et demi exacerbe les tensions. Ensuite parce qu’élection après élection, le groupe censé être moteur, celui le plus fourni, Renaissance, a perdu des plumes, au point de devoir sa survie l’an dernier à la mise en place du barrage républicain au second tour, qui lui a permis d’attraper les voix de la gauche.
Cette fois, pas question de travailler dans la précipitation. Selon L’Opinion, le parti présidentiel se penche déjà sur les questions logistiques, tandis que l’écurie d’Edouard Philippe, Horizons, revendique de se tenir à l’affût. « Ne pas se préparer serait une erreur. En cas de dissolution, nous serons prêts », prévient Pierre-Yves Bournazel, bras droit de l’ex-Premier ministre, cité par nos confrères. Même si, selon une enquête du Figaro, le bloc central est en majorité terrifié par ce scénario.
Chez LR, le vice-président de la commission nationale d’investiture Roger Karouchi reconnaît auprès de LCP qu’il a été surpris lors de la dernière dissolution. « On s’est dit une fois, pas deux. Nous avons donc pris une décision : qu’il y ait dissolution ou pas, on se prépare ». Priorité est donnée aux municipales, mais le dossier des législatives reste quelque part sur son bureau, au cas où. Quoi qu’il arrive, il resservira bien un jour…



