Après la démission de Lecornu, Mélenchon tente (en vain) de prendre la gauche de vitesse
POLITIQUE – L’invitation n’aura pas surpris les connaisseurs de la stratégie « mouvementiste » sur laquelle misent Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise. Dans la foulée de l’annonce fracassante de la démission de Sébastien Lecornu, le leader de LFI a dégainé l’un de ses coups préférés : mettre les autres formations de gauche devant le fait accompli.
« Nous proposons une rencontre cet après-midi aux organisations fondatrices de la Nupes et du Nouveau Front populaire (NFP) afin d’envisager toutes les hypothèses ouvertes par cette situation », a écrit sur son compte X Jean-Luc Mélenchon, se proposant donc comme le moteur de l’union, quelques jours à peine après avoir qualifié de « nigaud » le premier secrétaire du PS Olivier Faure dans une note de blog.
Tirant avantage d’être à la tête d’un mouvement « gazeux » ne s’embarrassant pas de longues délibérations internes avant de trancher, le triple candidat à la présidentielle a donc profité du temps mis par le Parti socialiste, qui réunissait ses instances à 13 heures, et Les Écologistes pour imprimer son récit, à renfort d’une conférence de presse convoquée dans la foulée. Objectif : se présenter comme la force centrale à gauche et jeter une pierre dans le jardin du PS, où beaucoup ne veulent plus entendre parler d’une alliance avec LFI.
Les Écolos vont rencontrer tous leurs alliés
Sachant que Les Écologistes sont unionistes par nature, la manœuvre visant à dissuader les troupes d’Olivier Faure de se proposer à Emmanuel Macron comme une alternative à Sébastien Lecornu (comme ce fut le cas la fois dernière après la démission de François Bayrou) avait des chances de fonctionner. Elle a reçu l’assentiment de Lucie Castets, envisagée par la gauche pour être leur Première ministre à l’été 2024. « Il n’est pas trop tard pour respecter les résultats de 2024. Toutes les forces de gauche qui avaient permis de tenir l’extrême droite en échec doivent dialoguer et se tenir prêtes », a-t-elle écrit sur X.
Sauf que le parti de Marine Tondelier a préféré temporiser. « Ça paraît assez évident que le Parti socialiste (…) ne va pas accourir chez La France insoumise comme si de rien n’était. Ce qui a été dit et fait ces derniers temps laisse des traces », a réagi la cheffe des Verts, soulignant que le tribun insoumis n’est pas vraiment le plus unitaire lorsqu’il s’agit de l’élection présidentielle. L’élue d’Hénin-Beaumont semble, elle aussi, vouloir consacrer son énergie à convaincre Emmanuel Macron de choisir un Premier ministre de gauche pour sortir de la crise. « On envisage de pouvoir gouverner », a-t-elle ajouté en précisant que les Écologistes « rencontreront l’ensemble de leurs partenaires dans la journée ». En fin de journée, elle a proposé que tous ces partenaires se retrouvent mercredi dans un lieu neutre, pour discuter.
Mais côté PS, c’est déjà une fin de non-recevoir qui a été adressée à La France insoumise. « Ce n’est pas à Jean-Luc Mélenchon de nous convoquer, ça c’est certain », a commenté sur BFMTV le député socialiste Arthur Delaporte, estimant que rien ne peut se faire à ce stade avec les troupes de Jean-Luc Mélenchon. « Aujourd’hui s’il s’agit de constituer un gouvernement de gauche, la présence de LFI fera qu’il sera censuré immédiatement », a-t-il ajouté.
Le PS réclame un Premier ministre de gauche
Selon Le Parisien, les roses misent sur une autre configuration : celle du serment de Bagneux. Soit une coalition qui irait du PCF au PS en passant par les écolos, François Ruffin et les purgés de LFI pour bâtir un début d’assise à l’Assemblée. « La priorité doit être donnée à la gauche et aux écologistes pour gouverner ce pays et proposer une alternative politique forte », a expliqué le secrétaire général du PS, Pierre Jouvet, à l’issue de la réunion du bureau national.
En parallèle, un communiqué du Parti socialiste se faisait plus explicite quant à l’exclusion de LFI du processus : « Nous rencontrerons aujourd’hui nos partenaires politiques de gauche et des écologistes, de Place Publique au Parti Communiste, qui partagent avec nous la même volonté de gouverner et agir, pour trouver l’issue à cette crise politique ».
Problème, numérique cette fois : cette coalition pèse 123 députés toute mouillée. Soit 88 élus de moins que ce que compte l’actuel, mais fragile, « socle commun ». Pour que cela fonctionne d’un point de vue gouvernemental, il faudrait que les 71 députés LFI acceptent de soutenir sans participer à l’exécutif, ou du moins de consentir à une forme de neutralité. Reste à savoir à quel point ce scénario est réalisable en impliquant une formation « mouvementiste », dont la stratégie vise à pousser l’organisation d’une élection présidentielle anticipée. La guerre des récits, à gauche, ne fait que commencer.



