Politique

Sans consigne ou rebelles, ces députés peuvent-ils influer sur la censure de Lecornu ?

POLITIQUE – La pression est retombée d’un cran pour Sébastien Lecornu. En annonçant qu’il ne censurera pas le Premier ministre avant le débat budgétaire, le Parti socialiste a offert un répit au gouvernement. Mais alors qu’il ne manque qu’une poignée de voix pour faire adopter l’une des deux motions de censure examinées à l’Assemblée jeudi 16 octobre, le nombre de désobéissants est scruté de près.

La motion déposée par le Rassemblement national et son allié de l’UDR n’agrégera sans doute que très peu de voix hors de leurs rangs. Il n’en va pas de même pour celle déposée La France insoumise, que les écologistes et les communistes se sont engagés à voter.

Sortons les calculatrices. Ensemble, ces trois groupes de gauche pèsent 126 voix (71 LFI, 38 écologistes, 17 GDR). Même s’ils ne le réclament pas, ils savent pouvoir compter sur les votes de l’extrême droite, prête à « tout censurer » pour parvenir à une dissolution. En comptant les élus RN et UDR, cela fait un total de 265 voix.

Au moins 4 élus PS voteront la censure, une voix écolo manquera

24 voix séparent donc Sébastien Lecornu de la censure. Mais c’est sans compter les décisions individuelles d’élus qui ne sont pas alignés sur les consignes de leur parti. Chez les écologistes, par exemple, au moins une députée s’abstiendra : Delphine Batho, élue des Deux-Sèvres, a indiqué « refuser la politique du pire de la censure ». « Alors que des élections législatives ont eu lieu il y a un an, la France a besoin d’un profond débat démocratique sur son destin dans le respect du calendrier prévu des échéances majeures de 2027 », écrit la députée.

À l’inverse, certains socialistes passeront outre le choix de la direction de s’abstenir. Au micro de BFMTV/RMC, Olivier Faure estimait « qu’à peu près » trois députés pourraient sortir du rang. L’élu de la Drôme Paul Christophle a été le premier à le faire, suivi, selon Le Figaro, par trois députés ultramarins, tous apparentés au groupe PS : Christian Baptiste (Guadeloupe), Élie Califer (Guadeloupe) et Jiovanny Williams (Martinique). « Le coup de rabot de 250 millions est catastrophique pour nos entreprises, donc nous voterons la censure en conscience », explique au Figaro Jiovanny Williams.

D’autres pourraient-ils suivre ? Au sein du groupe PS, le courant auquel appartient Paul Christophle (Avenir Socialiste) compte deux autres députés : Fatiha Keloua Hachi et Pierrick Courbon. Les deux avaient voté la censure contre François Bayrou en janvier 2025, contre l’avis de leur groupe, et s’étaient dits prêts le 11 octobre, dans un communiqué commun, à censurer son successeur.

Contacté par Le HuffPost pour savoir si cette position était toujours valable à la lumière des concessions du Premier ministre au PS, l’entourage de Fatiha Keloua Hachi n’a pas donné suite. Calculs refaits – en s’en tenant strictement aux déclarations officielles – cela donne 268 voix en faveur de la motion de censure, réparties entre l’extrême droite et l’ensemble de la gauche.

Tendance abstention chez LR, LIOT et non-inscrits

Ceux qui veulent faire tomber le gouvernement Lecornu II doivent donc encore trouver 21 voix. Pourraient-elles venir du groupe Droite républicaine, qui réunit les élus LR ? Laurent Wauquiez a été formel : « Personne dans le groupe ne peut voter la censure. » Dans leur grande majorité, les députés sont alignés avec leur président de groupe (mais pas avec celui de leur parti.) Cependant, quelques rebelles pourraient aller à l’encontre de la ligne officielle : « Deux ou trois » sont susceptibles de voter la censure, souffle ainsi à LCP un élu du groupe.

Ne reste plus que deux groupes aux positions hétéroclites : les LIOT (23 députés moins un entré au gouvernement) et les non inscrits (9 députés). Chez les premiers, la tendance penche majoritairement vers une non-censure. « Il y a le sentiment que les choses vont dans le bon sens et qu’elles ne justifient pas une censure a priori qui plongerait le pays dans une forme à nouveau de crise politique », a déclaré le porte-parole du groupe Harold Huwart au micro de LCP après l’allocution de Sébastien Lecornu.

Chez les seconds, il n’est pas exclu que les voix d’ex-membres du RN comme Daniel Grenon et Christine Engrand ou la divers droite Véronique Besse viennent s’ajouter aux voix des censeurs. D’autres, comme Stella Dupont ou Philippe Bonnecarrère, plaident sur X pour doter la France d’un budget et notent les gestes du Premier ministre, semblant écarter de fait une censure.

Même en tenant de toutes ces incertitudes, le dernier décompte reste favorable à Sébastien Lecornu. Selon les dernières estimations, environ 275 députés seraient prêts à voter la censure. Soit toujours un écart (rassurant) pour le Premier ministre de quatorze voix, pas si facilement trouvables.