Politique

Qui a voté quoi sur la censure ? Le détail dit beaucoup des dissensions des partis

POLITIQUE – Un répit pour l’instant. Sébastien Lecornu a échappé ce jeudi 16 octobre à ses deux premières motions de censure, déposée par la France insoumise et le Rassemblement national. Si les chances d’être adoptées étaient minces pour les deux, le détail des scrutins n’en reste pas moins éclairant sur l’état des groupes de l’Assemblée nationale.

Tous avaient édicté leurs consignes, hors Liot et non-inscrits. L’abstention était quasi obligatoire pour Ensemble pour la République (Renaissance), Horizons et les Démocrates (MoDem). La consigne de vote a été suivie à la lettre et les bancs sont restés vides. Ce qui n’a pas empêché les orateurs d’afficher, au nom de leur groupe, leurs désaccords, parfois très forts, avec la ligne de Sébastien Lecornu.

« Nous nous exprimerons sans trembler, sans hésiter, sur la suspension de la réforme des retraites que nous jugeons déconnectée de toute réalité démographique et financière », a ainsi insisté le président du groupe Horizons Paul Christophe, sous les applaudissements des siens.

RN plutôt que LFI ? Ces trois élus LR ont choisi

Côté Républicains, le groupe semble tenu, ou presque. Car trois députés ont, contre l’avis de Laurent Wauquiez, tenté de faire tomber le gouvernement Lecornu, où siègent pourtant six des leurs. Illustrant à la perfection les déchirements internes du parti de droite et aussi la tentation, de plus en plus grande chez certains, de franchir le rubicond vers l’extrême droite.

Alexandra Martin a ainsi voté les deux motions de censure. Cette élue des Alpes-Maritimes, territoire où le RN et ses alliés sont majoritaires, a pour suppléant le maire de Cannes et président de Nouvelle Énergie David Lisnard. Lequel appelle ouvertement à une démission anticipée du président de la République. C’est cet argument qu’a repris Alexandra Martin au micro de LCI pour justifier son choix. Se disant « en phase » avec la ligne de Bruno Retailleau, elle a en parallèle dénoncé un budget dans lequel ne figure aucune mesure « contre l’assistanat et l’immigration. »

Plus fragrants encore ont été les votes de ses collègues François-Xavier Ceccoli et Pierre Cordier. S’ils se sont abstenus sur la motion insoumise, les deux ont soutenu la motion déposée par Marine Le Pen et Éric Ciotti. « Il m’est impossible de voter la motion de censure déposée par La France insoumise, parti qui fait peser sur notre pays de graves dangers », a expliqué le premier dans un communiqué. Et s’il s’est justifié en pointant ses désaccords avec le projet de Sébastien Lecornu, l’essentiel est ailleurs : de son point de vue, l’extrême droite est une moindre menace que la France insoumise. Même de façon encore minime, la brèche ouverte neuf jours plus tôt par Bruno Retailleau dans le cadre d’une législative partielle s’élargit.

LFI appelle les électeurs du PS à déserter

La gauche ressort du vote tout aussi fébrile. Certes, 121 élus de cette partie de l’hémicycle se sont prononcés pour la censure. Mais seule la France insoumise a voté comme un seul homme. Chez les Écologistes, dont certains membres étaient pourtant signataires du texte, trois voix ont fait défaut : la députée des Deux-Sèvres Delphine Batho, Catherine Hervieu (Côte-d’Or) et Dominique Voynet (Doubs). Il en va de même dans le groupe GDR (communiste) où le député de l’Allier Yannick Monnet et la députée de Polynésie française Mereana Reid Arbelot se sont abstenus.

Ces quelques défections passent cependant quasi inaperçues dans la guerre ouverte que se livrent désormais socialistes et insoumis. Au PS, sept élus ont choisi de censurer : Béatrice Bellay, Jiovanny Williams (Martinique), Philippe Naillet (Réunion), Christian Baptiste (Guadeloupe), Fatiha Keloua Hachi (Seine-Saint-Denis), Paul Christophle (Drôme) et Peio Dufau (Pyrénées-Atlantiques).

Mais la grande majorité du groupe s’en est tenue à la consigne d’abstention d’Olivier Faure. De quoi ulcérer la France insoumise, notamment au vu du faible nombre de voix manquantes (18) pour faire tomber le gouvernement. « La direction du Parti socialiste porte une responsabilité historique », a estimé Mathilde Panot devant les journalistes à l’Assemblée, appelant les militants, électeurs et « la jeunesse » du PS à « rompre les rangs avec la direction du Parti socialiste et à venir aider le pôle de résistance ». À 18 mois de la présidentielle et alors que l’ombre de la dissolution plane encore en cas d’échec du gouvernement Lecornu, le doute n’est plus permis. Alors qu’il justifiait sa position face à la presse, le patron des Roses s’est agacé d’une question sur le Nouveau Front Populaire : « Arrêtez avec l’histoire du NFP », a-t-il lancé. De gauche à droite en passant par le centre, l’unité est aussi éparpillée que les votes de la censure.