Le Congrès des maires hanté par une campagne fantôme suspendue à la crise politique
POLITIQUE – Le chat noir de la vie politique française ? Déjà bousculées en 2020 par la crise sanitaire du Covid, les élections municipales ne s’amorcent par vraiment dans une posture plus flatteuse cinq ans plus tard. Une morosité qui sera sans aucun dans l’esprit de tous les édiles qui se rendront dès ce mardi 18 novembre au Congrès de l’association des maires de France qui s’ouvre au Parc des expositions à Paris.
À quatre mois d’un des scrutins les plus plébiscités des Français, la mayonnaise de la campagne « prend assez peu » selon le constitutionnaliste Benjamin Morel, contacté par l’AFP, plombée par la crise politique nationale. Après la chute de François Bayrou en septembre, puis le psychodrame autour du gouvernement Lecornu I, la vie politique s’est essentiellement resserrée autour des débats sur le budget de l’État et de la sécurité sociale. « Les projecteurs sont braqués sur ce qui se passe au Parlement, et on a du mal à mettre en avant les enjeux locaux », explique au Figaro, Christophe Bouillon, patron de l’Association des petites villes de France (APVF).
Une cannibalisation qui, hors grandes agglomérations, empêche un lancement en fanfare de ce rendez-vous politique. La campagne « a commencé à bas bruit », mais « rien à voir avec il y a six ans (…) Ça n’est pas la même intensité », estimait Frédéric Dabi, président de l’Ifop, ce lundi au micro de France 2. La faute selon lui aux discussions budgétaires bien sûr, mais aussi à « l’éclipse du politique » de manière générale. « Les Français voient qu’il ne se passe pas grand-chose à l’échelle nationale, il y a une critique en termes d’inaction. Et ça descend collatéralement, à l’échelle locale ». D’autant que les cinq années qui viennent de passer n’ont pas été particulièrement tendres, entre une hausse des violences dirigées directement contre les maires et un niveau historique de démission d’édiles, notamment dans les plus petites communes.
Dans ce contexte, selon Paul Brounais, dirigeant d’une agence de communication qui gère la campagne de soixante listes, de nombreux candidats refusent de se lancer officiellement dès à présent, de peur de faire « un flop », explique-t-il dans Ouest France.
L’ombre d’une nouvelle dissolution en janvier
Quant à l’horizon de mars 2026, il est tout aussi orageux face à la crainte d’une dissolution post-budget, en janvier. Des législatives anticipées contribueraient un peu plus à la nationalisation des municipales. Selon le politologue, Martial Foucault, interrogé par l’AFP, le gouvernement pourrait même, en cas de dissolution, « organiser municipales et législatives le même jour afin de ne pas percuter les premières », ce qui serait selon lui une « catastrophe démocratique » pour les municipales.
Un flottement politique qui se double par ailleurs d’une incertitude budgétaire… Car les collectivités locales craignent d’être victimes du PLF 2026. Si l’État chiffre à 4,7 milliards d’euros la facture des leurs contributions, l’AMF table, elle, sur une « purge massive » à plus de 8 milliards. Sans surprise le passage de Sébastien Lecornu, en clôture du Congrès le 20 novembre, sera scruté de près. La semaine dernière, aux Assises des départements, il s’est notamment engagé à soumettre un projet de loi sur l’Allocation Sociale Unifiée, au mois de décembre.
Les maires aussi, alors que le projet de loi sur le statut de l’élu local est toujours dans les limbes parlementaires, attendent désormais leurs étrennes de Noël. Le Premier ministre, qui a promis un nouvel acte de décentralisation, est désormais attendu au tournant. « Il y a (…) un danger que, sous couvert de grands principes décentralisateurs, l’État transfère aux collectivités des missions, des compétences et des charges non financées », s’inquiète David Lisnard, le président de l’AMF dans une interview à Maire info. Le maire de Cannes joue gros, lui aussi, dans ce Congrès.
Car, comme le souligne Benjamin Morel, l’AMF est « fragilisée », par la perte de puissance de LR et du PS, et se retrouve désormais exposée à la double pression exercée, d’un côté comme de l’autre, par le RN et LFI. « Aujourd’hui, socialistes et LR, sans appartenir à la majorité, discutent et collaborent avec elle. Résultat, le front uni des collectivités contre le gouvernement, mis en scène lors du congrès, n’est plus quelque chose qui les réunit », détaille-t-il. Preuve, s’il en est, que la crise politique n’épargne pas les élus locaux.



