Pourquoi les Américains continuent de construire en bois, même dans les zones à risque
ÉTATS-UNIS – Les images sont frappantes dans les violents incendies en cours à Los Angeles : dans le quartier huppé de Pacific Palisades, les maisons ont été réduites presque une à une en cendres. Elles étaient dans leur immense majorité construites en bois. À l’inverse, on peut aussi voir sur d’autres images de rares constructions encore debout – parfois au milieu même des flammes –, comme plusieurs petits immeubles ou la célèbre Getty Villa sur la route bordant l’océan menant à Malibu. Celles-ci étaient construites en béton.
On peut donc légitimement se demander pourquoi la plupart des Américains continuent de construire et habiter dans des maisons en bois – environ 90 % des maisons aux États-Unis –, même dans les zones les plus propices aux incendies comme la Californie. Ce paradoxe s’explique par des facteurs historiques, économiques, environnementaux et culturels.
Pour trouver trace des premières maisons en bois, il faut remonter au XVIIe siècle à l’époque où les Européens, notamment les Britanniques, ont débarqué en Amérique du Nord, rappelle le site Usaimmobilier.com. L’arrivée de cette nouvelle population sur le continent impliquait de construire rapidement de nouvelles habitations. L’utilisation du bois s’impose alors logiquement, la ressource étant abondante sur place. Les forêts représentent en effet encore maintenant 8,5 % de la surface des États-Unis, soit près de 800 000 km² (1,5 fois la taille de la France métropolitaine).
La pratique a perduré avec les siècles, et aujourd’hui, le coût économique réduit de la construction en bois reste l’argument phare pour des Américains toujours plus englués dans leurs crédits. D’autant plus que dans certains États, les taxes sont plus élevées si la maison n’est pas en bois, note le site Investir.us.
Des maisons plus rapides à construire
Par effet de levier, les ouvriers sont avant tout formés au bois et ont une bien plus grande expérience dans l’édification de maisons en bois. Autre avantage : la rapidité de réalisation, quand l’utilisation de béton implique de créer la matière, de l’appliquer et de la laisser sécher.
Le bois offre en outre une excellente isolation, ce qui aide à garder une maison chaude en hiver et fraîche en été. Plus écologique, il reste plus durable dans le temps et plus facile à entretenir.
C’est aussi culturel. Dans un pays où la place ne manque pas et où l’on prône le « big » à outrance, construire en bois permet de réaliser plus facilement de grandes maisons.
Enfin, les Américains ont un taux de mobilité élevé dans leur pays, si bien qu’il reste fréquent de voir des familles déménager plusieurs fois dans une vie, n’hésitant pas à changer d’État. Les maisons en bois peuvent être construites rapidement et permettent donc une installation dans un nouvel endroit sans investissement trop important en temps et en argent.
Face à tous ces éléments qui ont façonné une partie de l’histoire américaine, difficile pour l’immobilier américain de basculer d’un claquement de doigts vers le tout bétonné, même dans les zones à risque environnemental. Et les compagnies d’assurances ne sont pas étrangères à ce statu quo. Celles-ci n’accordent en effet pas de rabais pour les constructions en acier ou en béton, même dans les zones sensibles, contrairement au bois, expliquait le Time Magazine en 2021 dans un article publié après des incendies massifs en Californie. En fait, elles exigent même souvent des propriétaires qu’ils reconstruisent rapidement après un incendie pour pouvoir prétendre à une indemnisation. Il peut donc être très tentant de reconstruire en bois pour toutes les raisons expliquées plus haut. De nombreuses entreprises de bois offrent même des remises aux clients dont les maisons ont brûlé afin d’écouler les stocks.
Les habitudes ont la vie dure
Malgré tout, les temps commencent (très, très doucement) à changer. Depuis le Covid-19, le coût du bois a considérablement augmenté – même s’il reste toujours la solution la moins onéreuse – suite à l’effondrement de la construction durant cette période. En sortie de pandémie, les Américains ont en effet rénové ou construit en masse, ce qui a inévitablement entraîné une pénurie de bois.
Un autre exemple intéressant est raconté dans Time Magazine par Matt Watson, président de Gateway Builders, une entreprise du nord de la Californie construisant des maisons depuis 1997. Il explique qu’après des incendies importants dans l’État en 2020, sur 21 clients qui avaient fait appel à lui pour reconstruire leur maison, 19 avaient opté pour de l’acier et non plus du bois. Mais cela risque de prendre du temps, selon lui, car les habitudes ont la vie dure. « C’est la même chose que d’inciter les gens à renoncer aux combustibles fossiles », imageait-il.
L’acier peut faire valoir des arguments de poids, comme le fait que 90 % de celui fabriqué aujourd’hui peuvent être recyclés à l’infini, ce qui n’est pas le cas du bois.
Enfin, citons pour conclure ce chiffre témoignant du très lent changement en cours aux États-Unis : les maisons à ossature en béton ont désormais une part de marché deux fois plus importante qu’en 2009, lorsqu’elles ne représentaient que 5 % du marché (10 % aujourd’hui).
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