Politique

Pesticides, revenu paysan… Pourquoi la Confédération paysanne poursuit ses actions

INTERVIEW – Est-ce la fin des blocages des agriculteurs ? Oui, pour l’alliance FNSEA-JA, force syndicale dominante dans l’Hexagone, qui a annoncé la levée des barrages après le discours rempli de promesses du Premier ministre Gabriel Attal. Mais pour la Confédération paysanne, troisième syndicat agricole français, classé à gauche, la bataille est loin d’être terminée.

Que ce soit sur le « revenu paysan » ou en matière d’écologie, Laurence Marandola, la porte-parole de la Confédération paysanne, regrette ce dimanche 4 février après du HuffPost des propositions de sortie de crise du gouvernement « insuffisantes », voire pour certaines « scandaleuses ».

Raison pour laquelle au contraire des autres organisations syndicales, celle qui est aussi éleveuse de lamas dans l’Ariège affirme que jusqu’au Salon international de l’agriculture au moins (il s’ouvre le 24 février) les actions de la « Conf’ » ne s’arrêteront pas et cibleront particulièrement les « centrales d’achats et la grande distribution ».

• Quelles sont les revendications propres à la Confédération paysanne ?

Laurence Marandola : Nous travaillons surtout avec les agriculteurs qui ont de faibles revenus, les 18 % qui vivent sous le seuil de pauvreté en France. Nos revendications cherchent donc à aller à la racine de ce qui détruit le monde paysan, ce qui plonge les agriculteurs dans la précarité et les oblige à vendre à perte.

Simplement, nous avons trois demandes. D’abord, stopper les accords de libre-échange, en particulier celui avec le Mercosur (depuis 1991, il s’agit d’une union douanière entre l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay, ndlr). Ensuite, nous voulons que la France ouvre très rapidement un chantier sur l’interdiction de la vente à la perte, ce que ne permettent pas aujourd’hui les lois Egalim.

Et enfin, le troisième point, nous réclamons l’accompagnement technique et financier de tous les agriculteurs face à l’effondrement de la biodiversité, et à la raréfaction de l’eau. Nous, agriculteurs, on a envie de faire évoluer le système, mais il nous faut des prix justes.

• Vos doléances et votre vision de l’agriculture diffèrent-elles de celles des autres syndicats ?

Oui, nous sommes différents. Pour ne pas dire complètement opposés, quand on voit ce que la FNSEA-JA met en haut de la pile de ses revendications pour négocier avec le gouvernement, comme la volonté d’amoindrir les normes en matière de pesticides. Nous, l’urgence climatique, on a envie de la saisir à bras-le-corps : on doit travailler avec le vivant.

• Pourquoi les annonces de Gabriel Attal ne vous ont-elles pas convaincue ?

On peut quand même d’abord saluer les mesures d’urgences annoncées, comme la prise en charge de la maladie hémorragique épizootique (la MHE venue d’Espagne et baptisée « Covid de la vache », ndlr) pour les éleveurs, ou encore l’aide pour les paysans bretons et du nord qui ont vécu des inondations cet hiver.

Mais pour le reste, tout le paquet exposé par Gabriel Attal est insuffisant. Premièrement, rien n’a été annoncé sur le revenu des agricultures et sur les prix. Et deuxièmement, nous avons perçu ces annonces comme un recul en matière de mode de production et sur l’environnement. C’est la preuve que le gouvernement manque de courage pour faire évoluer le monde agricole.

• Qu’est ce qui a vous fait le plus tiquer dans sa réponse ?

Ce qui a été annoncé par le gouvernement sur les pesticides est particulièrement scandaleux. Tous les agriculteurs connaissent en France au moins un de leur proche, si ce n’est eux, qui ont subi un problème de santé extrêmement grave lié à l’exposition aux produits phytosanitaires.

Les pesticides ce sont aussi un enjeu pour l’accès à l’eau potable alors qu’aujourd’hui il y a des milliers de points de captation en France qui sont fermés ou doivent être dépollués. Ce n’est pas concevable d’envisager de réintroduire des molécules en France. Ça nous met en colère.

• Quelles sont vos prochaines actions prévues ?

Il y en a aura toute la semaine, et jusqu’au Salon de l’agriculture. Demain (lundi 5 février ndlr), on prévoit au moins deux grosses actions, une à Lille et une à Nantes, sur le thème du revenu, et de la situation des apiculteurs.

Nous continuerons à nous mobiliser pour notre vision de l’agriculture de demain, où les agriculteurs seraient autonomes et non plus dépendants des multinationales, et accompagnés face aux défis énormes qu’impose le changement climatique.

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