Politique

Ces fantasmes que Gabriel Attal risque de réactiver en touchant à « l’excuse de minorité »

POLITIQUE – « Atténuer » l’atténuation de responsabilité. C’est l’une des pistes évoquée par Gabriel Attal jeudi 18 avril à Viry-Châtillon (Essonne) pour lutter contre la violence des mineurs. Le Premier ministre a rouvert le chantier d’une évolution de « l’excuse de minorité » établie dans le Code de la justice pénale des mineurs et dont le principe est consacré par le Conseil constitutionnel.

« Je suis prêt dans le cadre de la discussion qu’on aura à regarder comment atténuer dans certains cas l’excuse de minorité », à condition qu’il soit « possible et efficace » de le faire, a confirmé le locataire de Matignon sur BFMTV le soir.

L’excuse de minorité – « atténuation de responsabilité » dans le langage juridique – s’applique aux mineurs de 13 à 17 ans inclus considérés comme capables de discernement et reconnus coupable de « crimes, délits ou contraventions ». Elle stipule qu’ils ne peuvent écoper d’une peine de prison supérieure à la moitié de la peine requise pour une personne majeure. Ce qui revient à pénaliser moins sévèrement le mineur que le majeur en divisant par deux la peine encourue.

Autre spécificité très importante : l’excuse de minorité est appliquée automatiquement et ne peut être levée que pour les 16 et 17 ans, uniquement sur une décision motivée du juge.

« Fantasme de la culture de l’excuse » et efficacité relative

Parmi diverses mesures visant à rappeler aux plus jeunes « l’autorité et la règle commune », Gabriel Attal souhaite donc revoir ce principe qui participe selon lui à ce que « beaucoup de ces jeunes ont le sentiment que leur âge autorise tout, (…) que parce qu’ils ont 13, 14 ou 15 ans, rien ne leur arrivera jamais. »

Sur BFMTV quelques heures plus tard, il a évoqué le cas d’« un jeune de 16 ans qui commet un acte particulièrement grave », une situation où le principe pourrait être « inversé » avec une excuse de minorité appliquée à titre exceptionnel et non plus automatiquement. Le mineur serait donc passible d’une peine équivalente à celle d’un majeur, à moins que le juge en décide autrement.

La « piste » évoquée par le Premier ministre se veut dissuasive. Mais son efficacité a été immédiatement mise en doute par plusieurs avocats. « Je ne pense pas qu’un jeune qui n’est pas dissuadé par la perspective d’aller en prison pendant deux ans et demi le sera davantage par le risque de prendre cinq ans », estime sur franceinfo Myrtis Vinas-Roudières, juge des enfants à Bobigny et déléguée du Syndicat de la magistrature.

Le syndicat, orienté à gauche, dénonce aussi dans un communiqué « la réactivation du fantasme de la “culture de l’excuse” » et fait valoir que « loin des représentations bien commodes d’une justice prétendument laxiste et dépassée (…) la justice des mineurs s’est au contraire considérablement durcie ces dernières années », avec des peines d’emprisonnement de plus en plus sévères.

« Atténuer » sans toucher à la majorité pénale

La révision de l’excuse de minorité est une vieille marotte à droite de l’échiquier politique, chaque dramatique fait divers étant l’occasion de relancer le débat. « Il faut supprimer une bonne fois pour toutes cette excuse de minorité », plaidait par exemple sur BFMTV le patron de LR Éric Ciotti en janvier 2023, en marge d’une rixe mortelle à Thiais (Val-de-Marne). Une position que partage par le président du Rassemblement national Jordan Bardella sur le plateau de la chaîne d’info en continu le 17 avril 2024.

Le gouvernement s’y refuse. « Je vous rappelle qu’en matière de justice pénale des mineurs, l’atténuation de responsabilité, issue du Conseil national de la Résistance du général de Gaulle, est un principe à valeur constitutionnelle, consacré par le Conseil constitutionnel », répondait Éric Dupond-Moretti à la droite en janvier 2023. Un an et demi plus tard, il est néanmoins chargé d’étudier la piste d’une « atténuation » limitée toutefois aux 16-17 ans.

En revanche, pas question d’abaisser la majorité pénale à 16 ans (au lieu de 18) comme le réclament LR et RN. « La jurisprudence du Conseil Constitutionnel dit que si on abaisse la majorité pénale, il fait abaisser la majorité civile », a rappelé Gabriel Attal sur BFMTV. « La question est donc : comment en gardant le principe d’une majorité pénale (à 18 ans, NDLR), on arrive à l’atténuer dans certains cas ? », a-t-il ajouté.

Sur RTL, Éric Dupond-Moretti a évoqué à nouveau l’inversion du principe d’automaticité, soulignant qu’en 2007, le Conseil Constitutionnel avait validé une réforme visant à lever l’excuse de minorité pour les mineurs récidivistes de 16 ans et plus pour des crimes ou délit violent ou de nature sexuelle, à moins d’une décision motivée du tribunal. Loi à l’époque portée par une certaine Rachida Dati avant d’être abrogée en 2014 par une disposition de la loi Taubira.

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