À Cannes, dans « Oh Canada », Richard Gere est aussi confus que nous à la sortie du film
FESTIVAL DE CANNES – Richard Gere a fait son grand retour sur la Croisette pour Oh Canada, aux côtés d’Uma Thurman. Le long-métrage de Paul Schrader (American Gigolo) est en compétition aux côtés de Megalopolis, Bird, ou encore Kinds of Kindness. Le film que nous avons vu le 17 mai à Cannes est un parti pris très tranché sur la mort et les dernières confessions d’un homme qui pense ne pas avoir tout dit. Présenté comme un « film puzzle » par le Festival de Cannes lui-même, on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il lui manque pas mal de pièces, et notamment les coins.
Oh Canada est l’adaptation libre du roman Foregone de Russell Banks. Le film suit le destin d’un homme, Leonard Fife (Richard Gere), ancien documentariste reconnu et visage emblématique de la gauche après avoir émigré clandestinement au Canada pour fuir la conscription au moment de la guerre du Vietnam. Des décennies plus tard, alors qu’il se meurt d’un « mauvais type de cancer », Leo accepte de se confier face caméra et de raconter sa vie à d’anciens élèves devenus documentaristes.
Mais ce qui devait être un documentaire sur sa carrière devient dès que la caméra s’allume, la dernière confession d’un mourant destinée à briser son propre mythe, avec pour témoin sa femme Emma (Uma Thurman). Leonard a l’esprit embrouillé par les médicaments, et Paul Schrader a donc choisi de ne pas faire un film linéaire. Les souvenirs de Leo s’enchaînent dans le désordre, se contredisent parfois, et peu à peu, le réalisateur nous perd nous aussi.
Un kaléidoscope de diapositives décousues
C’est Jacob Elordi qui incarne Leo jeune. Que les deux acteurs n’aient physiquement rien en commun, passe encore. Mais Richard Gere fait parfois irruption dans ses propres souvenirs de jeunesse, ajoutant à notre confusion. Les séquences se suivent rapidement, entrecoupées de retours dans le présent, parfois brutaux et sans raison apparente.
L’esprit de Leonard n’est plus clair, sa femme est convaincue qu’il mélange fiction et réalité et qu’il « invente la moitié de ce qu’il est en train de raconter ». Le spectateur lui non plus, ne sait pas ce qui est vrai, n’arrive pas à trier et à recréer la chronologie. La moustache (ou absence de) de Jacob Elordi ne suffit pas à l’aiguiller. Par ailleurs, Paul Schrader a choisi justement de ne pas choisir, et de multiplier les formats d’image et les palettes de tons, pour nous aider à identifier les différentes époques. Malheureusement, ça ne fonctionne pas. Au contraire, cela ajoute à cette impression d’assister à la projection de diapositives décousues.
Dans Oh Canada, Leonard veut offrir en guise de testament filmé un portrait réaliste de l’homme qu’il a vraiment été. Un homme plein de fêlures, loin du héros qu’il a longtemps prétendu être. Mais alors que sa mort est imminente, il ne sait plus vraiment qui il est, et nous non plus, nous ne le saurons jamais.
Oh Canada est un film puzzle oui. Mais un puzzle dont personne ne nous a donné le modèle, et auquel il manque de nombreuses pièces. Pas de ceux qui finissent encadrés sur le mur du salon, pas du nôtre en tout cas.
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