À Cannes, on a plus été bluffés par la métamorphose de Tahar Rahim que par « Alpha »
FESTIVAL DE CANNES – C’était sans doute le film le plus attendu en compétition. Pour sa réalisatrice, la française Julia Ducournau, déjà couronnée d’une Palme d’or en 2021 pour Titane. Et pour son distributeur aussi, le studio américain Néon, qui a déniché les cinq dernières Palmes d’or d’affilée. On a vu Alpha au Festival de Cannes et on parie plutôt sur un prix d’interprétation cette année.
Le film se déroule en France dans les années 90 alors qu’un mystérieux virus effraie la population. Alpha (Mélissa Boros) a 13 ans et vit seule avec sa mère médecin, jouée par une Golshifteh Farahani bouleversante. Lors d’une soirée alcoolisée, elle se fait tatouer un A sur le bras, par un inconnu à l’aiguille pas forcément stérilisée.
S’ensuit la panique d’avoir été infectée, l’angoisse de l’attente des résultats des tests, et surtout le rejet de ses camarades de classe qui font d’elle une paria. Ce virus n’a pas de nom dans le film mais a tout du VIH : la transmission par le sang et les relations sexuelles non protégées et les symptômes similaires au sida (tremblements, taches brunes qui apparaissent sur la peau).
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Tahar Rahim méconnaissable
Sans surprise, Julia Ducournau pousse le curseur plus loin. Ce virus ronge petit à petit les malades jusqu’à les transformer en pierre, lisse et dure. De la part de la réalisatrice maîtresse du gore à la française (son film Grave sur le cannibalisme avait même soulevé des estomacs sur la Croisette en 2016), on s’attendait à être choqué.
Mais ces corps de marbre sont plus beaux qu’effrayants, et hormis une petite mare de sang dans une piscine, pas de quoi fermer les yeux pendant le film même, pour les âmes sensibles. La vraie horreur se joue ailleurs : c’est la spirale de l’addiction. Peu après son tatouage, Alpha découvre qu’elle a un oncle, Amin, avec qui elle doit désormais partager sa chambre.
C’est Tahar Rahim qui l’incarne et sa transformation physique le rend cadavérique, presque méconnaissable. L’acteur est d’une extrême maigreur, le visage émacié, le regard fou et le corps tremblant. Car Amin est héroïnomane, et lui aussi infecté par le fameux virus à cause du matériel utilisé pour se droguer. Malgré les tentatives de sa sœur pour l’aider à ses désintoxiquer, on assiste à de nombreuses scènes où il consomme, allant parfois jusqu’à l’overdose. Et il n’est pas le seul.
L’horreur n’est pas là où on l’attend
Sans qu’il y ait de gros plan sur les aiguilles, les scènes d’héroïnomanes en plein fix dans les cages d’escalier nous ont plus marqué que les corps de caillou, immobiles et impuissants sur leur lit d’hôpital. Car si Tahar Rahim est aussi effrayant, c’est parce qu’il dresse le portrait fidèle d’une tragédie bien réelle.
Golshifteh Farahani incarne le poids humain porté par le corps médical face à ces deux maux. Elle est tour à tour médecin qui soigne les malades et n’a pas peur de les toucher, puis sœur qui injecte de la naloxone pour réanimer son frère addict, parfois contre sa volonté.
On aurait préféré que Julia Ducournau s’en tienne à ce triste réalisme et creuse un peu plus le propos de l’addiction et du trauma pour les proches. Mais le film, qui sort le 20 août au cinéma, s’enlise avec des boucles temporelles qui se mélangent, et les plans certes sublimes mais incompréhensibles. C’est le cas du « vent rouge », une vague de poussière ocre qui recouvre la cité où Amin et sa sœur ont grandi. Démon, symptôme ou métaphore, on ne saura jamais. Ce vent n’a, en tout cas, pas suffit à nous emporter complètement.
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