Culture

À Cannes, Scarlett Johansson donne un coup de jeune à la vieillesse avec son premier film

FESTIVAL DE CANNES – On a commencé la séance en riant. On sort en pleurant. Pour un premier film, c’est plutôt un (très) bon signe. Scarlett Johansson est passée derrière la caméra pour Eleanor the Great, présenté au Festival de Cannes dans la sélection Un certain regard. Et l’actrice de 40 ans prouve qu’elle maîtrise aussi bien la réalisation que l’acting avec ce long-métrage drôle et sensible.

Eleanor the Great est centré sur une nonagénaire américaine, convertie au judaïsme, et qui n’a pas sa langue dans sa poche. L’actrice June Squibb, 95 ans, l’incarne avec une énergie contagieuse. Eleanor Morgenstein vit en Floride en colocation avec sa meilleure amie, une Polonaise rescapée d’Auschwitz. Les deux veuves sont d’inséparables commères et complices comme un vieux couple.

Au décès de cette dernière, elle retourne vivre à New York auprès de sa fille et son petit-fils. Seule et endeuillée après avoir perdu son acolyte de toujours, Eleanor va se lier d’amitié avec Nina (Erin Kellyman), une jeune étudiante en journalisme.

Roulez vieillesse

Malgré sa canne et ses cheveux blancs. Eleanor n’est ni fragile, ni sénile. Avec sa grande gueule et son sens de la répartie, elle s’en prend à tout le monde sans exception ni méchanceté, mais avec un grain de malice. Son franc-parler est sa marque de fabrique, et une source inépuisable de rires dans la salle.

Lorsque sa fille lui propose de l’installer dans une résidence pour personnes âgées, elle rétorque plus vite que son ombre « Ils ont une morgue ? » avant de se raviser lorsqu’elle lui propose une activité chorale au centre du judaïsme du quartier : « Finalement, je me suis avancée trop vite sur la morgue ».

Avec ses bigoudis et ses baskets orthopédiques, Eleanor est rock’n’roll et toujours prête pour une aventure. Mais derrière son apparence de mamie cool, elle est surtout très seule depuis la mort de son amie. Désespérée de créer du lien, elle va s’empêtrer dans un gros mensonge auprès d’un groupe de survivants de l’Holocauste et de Nina, venue écrire un article sur eux.

Malgré leur différence d’âge, et de personnalité, les deux femmes ont le deuil comme point commun. Nina a brutalement perdu sa mère il y a quelques mois et son père, un célèbre présentateur télé dont Eleanor est fan, refuse d’en parler. Notre héroïne va trouver auprès d’elle une amie inespérée, et Nina trouve, elle, une oreille pour l’écouter.

Scarlett Johansson sublime le passage du temps

Eleanor the Great est un film profond sur la perte des êtres aimés et la mémoire de la période la plus sombre de l’histoire. Mais c’est surtout un bijou de douceur sur le passage du temps. Scarlett Johansson met en lumière Eleanor et les autres personnages âgés avec élégance et bienveillance. Les rides qui sillonnent leur visage, les veines qui ressortent sur leurs mains, la bouche plissée d’avoir trop souri sont sublimés par sa réalisation.

Dans la vie comme au cinéma, les personnes âgées sont souvent réduites à leur âge ou présentées comme des vieux sages. Scarlett Johansson filme simplement une femme, certes âgée, mais qui profite jusqu’au bout de la vie, pense toujours au sexe et a encore le droit de faire des erreurs (et elle en fait une grosse).

À travers l’amitié intergénérationnelle et la relation mère fille, la réalisatrice souligne aussi la difficulté du temps qui passe pour les femmes, jamais assez belles à toute époque de leur vie. À 94 ans pourtant, l’héroïne d’Eleanor the Great est magnifique et dit avoir l’impression d’en avoir 16. Preuve que l’âge, c’est dans la tête.

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