Culture

Après avoir balayé les marches du Festival de Cannes, il les monte pour présenter son film

CINÉMA – La magie du cinéma. Balayeur des marches du Festival de Cannes à l’âge de 20 ans, David Hertzog Dessites les montera, peu avant 22h ce samedi 18 mai, à 51 ans. Ce dernier vient présenter un documentaire qu’il a réalisé sur Michel Legrand, célèbre compositeur de plusieurs des films de Jacques Demy disparu en 2019 à 86 ans.

« L’adulte que je suis a pris l’enfant qu’il était par la main pour réaliser son rêve », a glissé à l’AFP ce Cannois d’origine, qui signe Il était une fois Michel Legrand. Pendant près de 2 heures, celui-ci couvre les deux dernières années de la vie du musicien et revient sur la carrière du compositeur des Parapluies de Cherbourg.

Pour les besoins de son long-métrage, David Hertzog Dessites a recueilli les témoignages de plusieurs proches du défunt, dont Claude Lelouch, Sting ou son ex-épouse Macha Méril. Des images du musicien le montrent chez lui en plein travail ou lors de son dernier concert à la Philharmonie.

Découvrez ci-dessous la bande-annonce du documentaire :

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Quand il a appris qu’il était sélectionné dans la section Cannes Classics, axée autour de copies restaurées et de documentaires, ce barbu athlétique a eu du mal à réaliser. Et une scène lui est revenue en tête : « Un matin vers 4 h 00, dans ma tenue de balayeur – il n’y avait pas de gardien à l’époque sur les marches, je me suis allongé sur le tapis rouge en me disant : ’Je reviendrai ici avec mon film’. »

Gamin, sa mère l’accompagnait aux abords du Palais des Festivals voir sur le tapis rouge les stars de Hollywood, comme Kirk Douglas ou Robert Mitchum. Sa vie bascule quand, à 20 ans, sa mère, employée municipale, décède à 48 ans. La ville de Cannes propose alors au jeune homme, se retrouvant seul, un emploi de balayeur.

Un emploi qui l’amène à travailler entre 3 et 8 heures du matin sur le tapis rouge et ses abords. Et qu’il a gardé quatre ou cinq ans. Aujourd’hui, il dit en avoir conservé « un profond respect pour les agents de salubrité », explique-t-il à Ouest France. À cette période, il fait la rencontre de la mère de ses deux fils et étoffe sa cinéphilie.

« Festival en clandestin »

Des copains travaillant pour le plus grand rendez-vous mondial du 7e art permettent alors à ce fan de ciné de vivre le « festival en clandestin », en entrant en cachette. Un matin, en séance de 11 h 00, il se faufile à la projection de Pulp fiction de Quentin Tarantino. « J’ai vu Clint Eastwood (président du jury, ndlr) se prendre le visage dans les mains tellement il était mort de rire », se remémore-t-il.

La disparition de sa mère a été un « véritable booster », selon David Hertzog Dessites qui dit avoir transformé « cette peine en énergie positive ». En autodidacte, il achète une première caméra avec son petit héritage. « J’enviais des copains en école de cinéma, et eux m’enviaient en m’assurant que mon point de vue n’était pas conditionné », se rappelle-t-il.

Un premier tournant arrive en 1999. David Hertzog Dessites part sur ses deniers aux USA filmer les inconditionnels de Star Wars qui attendent la sortie de l’épisode intitulé La menace fantôme. « Les fans à Hollywood et New York étaient dingues : ils attendaient dans des tentes aux abords des cinémas pour être les premiers à voir le film », se souvient le cinéaste amateur de l’époque. Son documentaire attire les regards.

La rencontre avec Michel Legrand

Quant à Michel Legrand, c’est encore une belle histoire. « Sa musique a bercé la grossesse de ma maman. Mes parents se sont rencontrés en allant voir ’L’affaire Thomas Crown’ et avaient acheté le 45 tours de la musique composée par Michel », précise David Hertzog Dessites.

Les séries télé qu’il voit enfant, comme Il était une fois… la vie ou Oum le dauphin blanc, sont signées du même compositeur. Et la B.O. de Yentl avec Barbra Streisand est pour le cinéphile et mélomane « un choc ».

En 2017, il finit par rencontrer ce « génie » à l’occasion d’un concert du pianiste dans le cadre du Festival de Cannes. Assis au pied du piano « comme un gamin devant le sapin de Noël » pendant le récital, le réalisateur lui adresse la parole à la fin : « Si j’existe, c’est un peu grâce à vous. » Il lui raconte son récit.

« C’est formidable cette histoire, j’adore », lui rétorque Michel Legrand, qui se laisse convaincre pour un documentaire. Il lui donne carte blanche. « Il m’a dit qu’il ne contrôlerait rien, sachant son exigence et le personnage complexe que c’était, c’est le plus beau cadeau qu’il pouvait me faire », souffle David Hertzog Dessites. Il le lui rend bien.

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