Culture

Avec son Super Bowl, Bad Bunny n’a pas fini de faire rager les trumpistes

MUSIQUE – Les trumpistes sont de sortie, et ils ont pris avec eux leurs fourches et autres torches de feu. La raison ? La décision en début de semaine de la Ligue de football américain (NFL), aux États-Unis, d’accorder à la superstar du reggaeton Bad Bunny le « Saint Graal » : la très convoitée prestation de la mi-temps du Super Bowl, en février prochain.

Certains l’accusent de ne chanter qu’en espagnol, d’autres de brouiller les frontières entre les genres. L’artiste de 31 ans, connu aussi pour jouer avec les codes du maquillage et des vêtements (comme dans le clip de YO PERREO SOLA, où il apparaît en drag-queen), serait « démoniaque », pour une partie de la sphère MAGA.

« Peu m’importe qu’il s’agisse d’un concert de Johnny Smith, Bad Bunny ou n’importe qui d’autre, s’est pour sa part agité l’un des conseillers du président Donald Trump, Corey Lewandowski, dans un podcast, ce mercredi 1er octobre. Nous allons faire respecter la loi partout. […] Si vous êtes dans ce pays illégalement, rendez-vous service : rentrez chez vous. »

Un choix symbolique

Pour le politicien d’extrême droite, il n’existe « aucun refuge sûr pour les personnes en situation irrégulière dans ce pays. Ni au Super Bowl, ni ailleurs. » « Nous vous trouverons. […] Nous vous placerons dans un centre de détention et nous vous expulserons », s’époumone-t-il, promettant d’envahir la scène le jour du concert.

Pour lui, comme pour les fidèles de Donald Trump, il est clair que la décision de faire jouer le chanteur portoricain n’a d’autre but que de les irriter, de gâcher la rencontre sportive la plus regardée outre-Atlantique. Peut-être, peut-être pas. Difficile en tout cas de ne pas voir là-dedans un choix symbolique, voire politique.

Soutien de Kamala Harris lors de la dernière campagne présidentielle, après que Donald Trump a qualifié Porto Rico dont il est originaire d’« île flottante d’ordures », la méga star n’a jamais caché ses convictions, et prend régulièrement la parole pour les droits des personnes LGBT +, contre la transphobie, le racisme ou la politique anti-immigration du gouvernement.

Porto Rico s’emballe

Depuis le mois de juin, Donald Trump a décidé de cibler avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents sur le continent nord-américain, déployant la police de l’immigration dans tout le pays afin d’arrêter des personnes généralement originaires d’Amérique latine.

L’offensive fait craindre le pire à Bad Bunny, qui a préféré ne donner aucune date aux États-Unis dans le cadre de sa nouvelle tournée en 2025, par crainte de voir certains de ses fans en situation irrégulière se faire arrêter par ces « fils de pute » de l’ICE – pour reprendre ses mots sur Instagram – à l’extérieur de ses concerts.

À la place, il a invité son public à se rendre à Porto Rico, territoire non incorporé des États-Unis où l’artiste s’est produit cet été pour une série de 30 dates. Originaire de l’île, il n’a pas seulement fait de cette résidence une lettre d’amour aux Portoricains teintée d’un discours politique sur le patrimoine et la gentrification. Bad Bunny a aussi boosté l’économie locale à hauteur de 200 millions de dollars grâce à une vague de tourisme inespérée pour la période.

« C’est pour mon peuple »

Sa prestation au Super Bowl ? « Je vais la faire pour toutes celles et ceux qui ont posé les premiers jalons, et travaillé pour que je puisse en arriver là, à marquer ce “touchdown”, a-t-il promis dans un communiqué, à l’annonce de la décision de la NFL, ce lundi. C’est pour mon peuple, ma culture, notre histoire. »

C’est au Levi’s Stadium de Santa Clara, en Californie, que va se dérouler la 60e finale du plus grand championnat de football américain. Le stade des San Francisco 49ers n’est pas anodin : il est implanté dans une région habitée par une très grande population latino-américaine. Elle représente un quart de la population totale du comté, d’après son site officiel.

Les risques de raids des autorités aux abords du stade ne sont pas à omettre, même si pour l’heure le public se réjouit d’emblée de la performance de leur idole, attendue comme le Messie. « On est tellement prêt », a réagi l’un des principaux comptes de fans en légende d’un mème ironisant sur l’absence de paroles en anglais dans la musique de leur star.

L’après Kendrick Lamar

Sa prestation interviendra un an après le show sur cette même scène, en février 2025, de Kendrick Lamar. Sa performance teintée de messages politiques contre les injustices raciales est non seulement la plus regardée dans l’histoire du Super Bowl, mais elle a aussi contribué à renouveler l’image du « halftime show » et de la NFL.

Très critiquée depuis l’affaire Colin Kaepernick, devenu un symbole de la lutte contre les violences policières aux États-Unis après avoir posé son genou à terre lors de l’hymne américain en 2016, la Ligue s’est associée à la société de Jay-Z, Roc Nation, pour produire la mi-temps, en 2019. « Je crois qu’il est temps d’agir », a déclaré ce dernier à l’époque du deal.

Aujourd’hui, plus que jamais. Depuis qu’il est de retour à la Maison blanche, Donald Trump s’est lancé dans une guerre contre le divertissement, trop « woke » à son goût. La fin des politiques de diversité chez les géants de Hollywood peut en témoigner. Les taxes à 100 % sur les films étrangers ou ses attaques contre la liberté d’expression dans les talk-shows, aussi. La fronde de Bad Bunny s’annonce déjà historique.