Avec « Une famille », Christine Angot montre que l’inceste devrait être l’affaire de tous
CINÉMA – Ce n’est plus un secret pour personne. Christine Angot a été abusée sexuellement par son père pendant son adolescence. Après avoir longtemps documenté cet inceste dans ses romans, l’écrivaine française de 65 ans arrive au cinéma, ce mercredi 20 mars, pour rétablir à nouveau sa vérité dans un premier film documentaire percutant : Une famille.
Présenté à la dernière Berlinale, Une famille nous cueille en Alsace, à Strasbourg, où son père a vécu jusqu’à sa mort en 1999. C’est aussi là-bas qu’elle a fait sa rencontre pour la première fois à 13 ans, âge à partir duquel il a commencé à la violer. L’ex-femme et les enfants de ce dernier y vivent encore. Une caméra derrière elle, Christine Angot frappe à leur porte.
Un peu désarçonnée et d’abord réfractaire, la femme de son père finit par lui ouvrir sous la pression. S’ensuit une discussion houleuse. D’un côté, les interrogations de Christine Angot. Pourquoi cette famille n’est-elle jamais revenue vers elle ? Pourquoi n’ont-ils jamais voulu en savoir plus sur ce qu’il lui est arrivé ? De l’autre, des explications floues, teintées d’embarras.
Christine Angot stoïque
« En littérature, les images existent, mais elles sont intérieures, raconte la réalisatrice dans les notes de production. Alors qu’au cinéma, ce sont des images qu’on peut décrire, dont on peut parler, et qui relèvent de la preuve. On ne peut pas me dire que je fais dire ça ou ça à la femme de mon père. C’est elle qui parle, on le voit. »
Ce n’est que la première confrontation du documentaire. Et déjà, elle annonce la couleur. Vient ensuite celle de la mère de l’autrice. Pourquoi n’a-t-elle pas agi ? À son tour de fondre en larmes. Et quid de son ex-mari ? Il était présent à l’étage du dessus quand Christine Angot, alors adulte, a de nouveau été victime de son père. Pourquoi n’a-t-il pas empêché ça ?
La cinéaste enchaîne les entretiens avec celles et ceux qui n’ont rien dit, rien fait, tout en diffusant des vidéos d’archives d’elle et de sa famille, après la naissance de sa fille au tournant des années 1990, sur fond de messages puissants. « Les viols avaient lieu les week-ends et les vacances », l’entend-on prononcer de manière stoïque sur des images au soleil.
L’inceste, pas une affaire de famille
Depuis le début de sa carrière en 1990, Christine Angot a écrit plus d’une vingtaine de romans, dont Léonore, toujours (1994) et L’Inceste (1999), avec pour fil narratif son histoire personnelle, fortement marquée par les violences sexuelles. Traitée de « pute » dans Le masque et la plume sur France Inter à la fin des années 1990, elle a longtemps été traînée dans la boue dans les médias.
Sous la menace d’une claque de Laurent Baffie, les moqueries indécentes de Thierry Ardisson et de son équipe, on la revoit quitter une émission en plein direct. La scène – d’une violence inouïe – resurgit dans Une famille.
Car le film de la romancière n’est pas seulement une manière de confronter les siens, il dénonce aussi une minimisation de l’inceste, en France. En 2020, un Français sur dix confie en avoir été victime, soit environ 6,7 millions de personnes. Une statistique en hausse. En 2009, le nombre de victimes s’élevait à 2 millions, d’après une étude Ipsos. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Cela concerne tout le monde. Et pas seulement une famille.
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